Légende sur la chapelle Notre-Dame de Bethléem


En ce temps-là, St Jean de Bouguenais s'étendait du Pellerin à Rezé, et comprenait plusieurs villages, celui de la Télindière, situé entre le bourg de St Jean et le Pellerin en était un. Sa situation géographique en faisait un petit port de Loire et ses habitants se composaient en grande partie de pêcheurs, mais, à la saison, on y coupait aussi les roseaux, le "rou" qui poussait abondamment sur les rives vaseuses du fleuve, ce "roux" servait à la fabrication des "courtines", sortes de nattes, qui étaient embarquées ensuite à bord de grands bateaux plats, les "toues", pour être vendues à Nantes, aux armateurs, qui les utilisaient pour emballer leurs cargaisons.

Ces « courtines » se faisaient à la veillée. On se réunissait dans une "pièce nue", assez spacieuse, éclairée par des chandelles de résine, on disait "rousines". Le travail était pénible, car les femmes devaient travailler accroupies, et chaque courtine mesurait environ 3m².

Pour se reposer un peu, les "veillous" inventaient des chansons, racontaient des histoires de revenants, de loups-garous, de feux-follets, à vous faire courir les frissons dans le dos ! C'est au cours d'une de ces veillées que s'est passée la tragique histoire qui va suivre.

Pour se rendre de la Télindière au bourg de St Jean, il fallait emprunter une route déserte, et, au creux d'un vallon, vous aviez à gauche, une délicieuse chapelle du XV° siècle, Notre-Dame de Bethléem, à droite un bras de Loire, comblé aujourd'hui ; ce lieu très beau dans son cadre sauvage en plein jour, devenait à la nuit, le rendez-vous des loups-garous. Pas un habitant de la Télindière n'aurait osé s'aventurer à passer par là aux environs de Minuit!... Les langues allaient leur train, aussi raides que les doigts des courtineuses, et, une discussion s'éleva bientôt au sujet de cette chapelle et de sa renommée nocturne. Rosette, une nouvelle venue, étrangère au pays, se moquait gentiment des autres :

- Vous ne me ferez pas croire ça, la chapelle n'est pas si loin, que voulez-vous qu'il m'arrive si je décide d'y aller

- Je te dis qu'il ne faut jamais s'aventurer la nuit, près de la chapelle, on n'en revient pas !

- Non, non, ne fais pas cela, et puis, qui nous prouve que tu irais jusque là, tu pourrais très bien te cacher, attendre un moment, et nous dire ensuite que tu y es allée !

- C'est bien simple, pour vous le prouver, voilà ce que je vais faire : Quand je serais rendue là-bas, je sonnerai la cloche trois fois, ainsi, vous serez bien obligés de me croire ! Rien ne put empêcher la téméraire de mettre son projet à exécution. Elle s'emmitoufle chaudement dans son grand châle, prit ses sabots et partit seule, dans la nuit froide, vers ce lieu désert et hostile.

On attendit en silence, écoutant les bruits de la nuit. Au bout d'un temps qui parut interminable, on entendit la petite cloche sonner un coup, puis un deuxième .... enfin un troisième beaucoup plus fort, qui leur sembla un appel au secours ! ... et de nouveau ce fut l'attente, l'oreille tendue au moindre bruit ... on entendit minuit sonner au clocher du bourg ... toujours rien ... Décidément, le retour de l'imprudente était bien long.

Un groupe d'hommes se décida à aller voir ce qu'elle devenait ... et parcourut le chemin jusqu'à la chapelle sans apercevoir la jeune femme ... Les derniers mètres furent franchis ... rien ... Etreints d'une angoisse folle, les hommes appellent ... toujours rien, si ce n'est le hululement de la chouette et le cri des chats-huants ... et tout à coup ... à la lueur d'une torche, ils aperçoivent près de la corde de la cloche ... une paire de sabots ... ce sont bien les siens ...une poignée de cheveux également ... C'est tout ce qu'on trouva de la malheureuse, et nul ne sut jamais ce qu'elle était devenue ! Avait-elle été victime des loups-garous ?

Depuis les temps ont changé, la route déserte est devenue la D 58, et, lorsque vous passerez par là, ne manquez pas de vous arrêter pour visiter ce joyau de l'art gothique, qui fut béni par Mgr DU CHAFFAULT. Anne de Bretagne vint y prier en 1490.

(Légende relevée sur le site consacré à Saint-Jean-de-Boiseau)