Chapelle de la Miséricorde

On a détruit en 1823 la chapelle de la Miséricorde, située dans la paroisse de Saint-Similien et qui fut fondée au 6e en mémoire de l'un de ces combats si fréquemment racontés par les légendaires.

Dans une forêt qui couvrait le coteau où se trouve actuellement la place de Viarme, vivait un dragon, tenant du taureau et du serpent, qui dévorait à l'entour gentilshommes et manants, habitants et pèlerins.

Trois seigneurs de Nantes se décidèrent à l'aller attaquer dans son repaire, après s'être munis de scapulaires et de bonnes cuirasses. Quand ils arrivèrent aux bois, la bête, sortant de sa caverne aussi furieuse qu'une lionne qui défendrait son lionceau, s'élança vers eux en sifflant ; ce qui entendant, un des seigneurs sentit son cœur faillir et sa foi en la protection divine qui s'en allait. Il voulut donc tourner bride, mais trop tard. Le monstre était arrivé sur lui et d'une morsure avait fait quatre morceaux de l'homme et du cheval. Cependant les deux autres seigneurs, sans pâlire devant un tel spectacle, offrirent leur vie en holocauste au vrai Dieu et à leurs frères ; puis, tenant d'une main leurs scapulaires, de l'autre leur épée, ils poussèrent au dragon qui, sans faire aucune résistance, se jeta à leurs pieds et se laissa tranquillement tuer par eux.

On transporta processionnellement à Nantes, en grand ébahissement et à la grande terreur de tous, le squelette du monstre, dont la mâchoire inférieure fut détachée et déposée dans le trésor de la cathédrale. Elle s'y trouvait encore en 1773.

La chapelle fut élevée en commémoration, au lieu même où la bête avait été égorgée. Lors de sa destruction, on voyait sur les vitraux des peintures relatives à la légende. D'un côté était le dragon mort, un homme déchiré et un évêque, de l'autre trois cavaliers armés, au-dessous desquels on lisait ces rimes :

Un roi dessus un blanc cheval,
Tire l'arc pour faire mal ;
Un autre sur un cheval roux,
Tire l'épée tout en courroux ;
L'autre sur un cheval noir,
Fit la mort et l'infernal manoir.

(D'après Emile Souvestre.)