Chapelle Notre-Dame de Jovence
"A toutes les chapelles mentionnées dans les mémoires de P. Blays, nous devons en ajouter une autre dont il ne parle point et dont l'âge présent ne soupçonne même pas l'existence. Toute son histoire, qui est fort simple, est renfermée dans un cantique sans date ni nom d'auteur, que le hasard a fait tomber entre nos mains, et que nous transcrivons avec son style et son ortographe, désirant que le lecteur y trouve un fil conducteur pour remonter à son origine.
Cantique a l'honneur de Notre-Dame-de-Jovence, dont la chapelle est au pied des murs du château de Châteaubriant.
Sur l'air de La Valière.
Disposez vos oreilles Chrétiens dévotieux, Ecoutez les merveilles Qui s'opèrent en tous lieux, Par la reine d'amour La Sainte Vierge mère, Qui, de l'hureux séjour Est l'étoile plénière. Dans le fond d'une grotte O divine Marie Le cartier en allarmes Plus de cinquante années, |
Nantes, de Bon-Secours Et Brest, de Recouvrance. Châteaubriant toujours Sous le nom de Jovence. C'est auprès de la porte L'image vénérable La grande nonchalance Depuis quelques années Joignons nous tous, mes frères, |
Quoi qu'il en soit de l'étymologie à laquelle on s'arrête pour notre Jovence il nous paraît certain que ce nom remonte à un âge qui devança le Christianisme. N'est-il pas permis de croire que cette fontaine, qui coule au pied du rocher sur lequel Brient bâtit son château, fut ici l'objet d'un culte superstitieux comme tant d'autres fontaines dans l'univers payen, culte que les chrétiens transformèrent, en mettant son objet sous la protection d'un saint vénéré ou de la Sainte-Vierge ?
Ce qui est certain, c'est que la dévotion à Notre-Dame-de-Jovence subsistera •a uniquement dans le domaine populaire, et que l'autorité ecclésiastique y demeura toujours étrangère. La meilleure preuve, c'est qu'il n'en est fait aucune mention dans nos archives religieuses, soit dans les comptes des fabriqueurs, soit dans les brevets présentés par les doyens, soit surtout dans les mémoires du doyen Blays si exact à énumérer tout ce qui relevait de sa jurisdiction.
Son pèlerinage prit fin à la Révolution. Voici ce que nous apprend le compte-rendu municipal, à la date du 18 thermidor an XIII (août 1805).
D'après une lettre de M. le Sous-Préfet, en date du 6 de ce mois, le conseil municipal considérant que, de temps immémorial, il existait une chapeIle publique dans l'endroit où le sieur D***a une écurie pour la construction de laquelle il a démoli ladite chapelle et profité des pierres et autres matériaux d'icelle ; que cette chapelle était séparée par une haie vive ; que l'acquisition, que le sieur D*** a faite de ce jardin dans laquelle il a fait comprendre la chapelle, est récente et ne date que de l'an V; que le [illisible] acquêt et la prise de possession faite par le sieur M., précédent possesseur dudit jardin, sont exclusifs de tout droit sur ladite chapelle, est d'avis que M. le Maire force le sieur D. à abandonner la propriété de l'emplacement de ladite chapelle et de la voie publique qui y conduisait, et à rétablir ladite chapelle en l'état où elle était avant qu'il l'eût démolie, et le paiement de 200 fr. pour dommages et intérêts résultant de l'usurpation. »
Nous croyons que la délibération municipale fut en partie exécutée, à en juger du moins par l'inspection des lieux ; mais il y eut sans doute une transaction. Car si la fontaine coule encore silencieusement sous le toit qui la couvre, il n'y a plus de pèlerins ni d'autels : Jovence a péri dans la mémoire des hommes."
Source: P. Blays, "Des chappelles basties
dans la d. paroisse", in "Histoire de Châteaubriant" de l'Abbé Ch.
Goudé, Rennes 1870