Chapelle Sainte-Anne

Le modeste monument se trouvait au lieu-dit "Sainte-Anne", non loin de la Fresnais et de Livernière. A cette époque fort lointaine, huit à neuf siècles environ, ce qui nous reporte autour de l'an 1000, Casson représentait un lieu-dit englobant le bourg actuel et un certain périmètre environnant. Mais écoutons plutôt, le bonhomme Savary, habitant de la Galmondière et qui voilà un peu plus d'un siècle travaillait à la réfection de l'église en compagnie de Monsieur Joyau charpentier. Ce dernier passait pour un savant et voici ce qu'il répondait au Curé de Casson qui lui demandait ce qu'il pensait des origines de la Chapelle Sainte-Anne. "... j'ai trouvé dans de vieux manuscrits qu'elle était bâtie avant la réunion du village de Sainte-Anne à la paroisse de Casson et qu'elle existait 600 ans avant cette adjonction."

Et le bonhomme Savary d'ajouter : "... j'ai toujours ouï dire que Sainte-Anne et Casson avaient été joints en une seule paroisse au temps que vivait un certain seigneur protestant qui résidait à la Cognardière." Soit dans les années 1500.

L'ancienne chapelle Sainte-Anne comprenait une nef relativement longue et qui datait du début de notre millénaire ainsi que la statue de Sainte-Anne ; quant aux parties latérales, au nord l'autel Saint-Antoine et au sud celui de Saint-Rock. Et ce manuscrit nous précise : "... les deux parties latérales de l'ancienne chapelle Sainte-Anne furent bâties dsns le temps où fut abattue la forêt de Hercé... forêt qui s'étendait alors jusqu'au village de la Fresnaye et comprenait le village du Tertre nommé le Tertre en forêt".

La forêt de Hercé fut abattue sous le règne de Louis XIII bien après l'adjonction des deux ailes à la vieille chapelle. Mais II nous faut parler de la Révolution. En effet, en 1793, les révolutionnaires obligèrent les habitants de Casson à livrer les cloches de l'église et, toujours d'après le manuscrit : « ... on réussit cependant à en cacher une qui est restée à l'église et on lui substitua la clochette de Sainte-Anne que l'on donna comme étant celle de la paroisse. Le pauvre couvreur nommé Rovily, de la Porte Neuve que l'on obligea d'apporter la cloche de Sainte-Anne à Casson pour le punir de son opinion royaliste, soit fatigué du fardeau qu'il avait porté tout seul, soit saisissement causé par les actes impies des patriotes, succomba trois jours après.

"Les révolutionnaires en entrant dans la chapelle avaient renversé les statues de leurs autels respectifs et essayé de les briser à coups de crosses de fusils. Celle de Saint-Antoine fut cassée par le milieu du corps et celle de Saint-Roch par la tête. La seule statue de Sainte-Anne qui est en pierre de stuff résista..." Et depuis le 11 juillet 1849, on peut la voir dans la nouvelle chapelle sous un dais, au-dessus de l'autel.

Mais revenons à cette vieille chapelle Sainte-Anne qui, en fait, servit d'église paroissiale jusqu'au 16e siècle. Elle était donc très fréquentée les dimanches et jours de fête et notamment le jour de la Sainte-Anne. Voici ce que relate, encore, un vieux manuscrit :

"... Cette fête (la Sainte-Anne) était, à vrai dire, la fête patronale de Casson. On la chômait comme le dimanche, lorsqu'elle tombait sur la semaine..."

"D'ailleurs, l'entretien de l'intérieur de la Chapelle était obtenu au moyen des offrandes des pèlerins, c.ui s'y faisaient principalement le jour de Sainte-Anne ; les gros sous et les liards qu'on mettait sur l'autel en le baisant ou dans un vieux billot, étaient recueillis au soir par la marguillère, la femme Dilette, dont le père aubergiste vendait du vin, ce jour-là, à l'assemblée de Sainte-Anne, dit qu'en ramenant à Ccsson ses barriques vides et sa tente il rapportait ordinairement l'argent des offrandes qui emplissait deux grands bissacs. On nous a dit qu'en 1806 les offrandes de la fête de Sainte-Anne montèrent à 100 (cent) francs..."

Ce même document nous apprend aussi : "... que souvent des rixes, venaient à l'occasion des danses qui avaient été mises en vogue par les gens de Nort et des Touches..."

"Le monde se tenait sous la belle chênaie plantée près de la chapelle et laissée vague à cause de l'assemblée mais dont le fonds est du domaine de Livernière. Là, étaient dressées entre la longue avenue des arbres les tentes de quinze ou vingt marchands qui vendaient des mouchoirs, des merceries et autres marchandises ; il y avait habituellement des chapeliers de Nantes ; les aubergistes vendaient dans les jours de grande chaleur 13, 14 et jusqu'à 16 barriques de vin. Sept à huit cents personnes pouvaient se trouver réunies sous les ombrages. Deux à trois cents chevaux étaient rangés le long de la grande prairie de Livernière. Une fontaine, dans cette prairie, rafraîchissait les hommes et les animaux. Les pèlerins ne manquaient point d'aller s'y laver et en emportaient de l'eau à laquelle ils attribuaient une vertu particulière. Jusqu'au coucher du soleil, la chapelle ne désemplissait pas ; les pauvres se pressaient à la porte, demandant à tous ceux qui entroient, s'ils voulaient leur donner un voyage et quand on leur donnait quelque monnaie commençaient à réciter tout haut leurs prières dans la chapelle ou en faisaient le tour les pieds nus à genoux."

Le culte de Sainte-Anne était très vif. non seulement à Casson mais aussi aux alentours et l'on y venait même d'assez loin en pèlerinage. D'ailleurs voici ce qu'on peut lire dans les vieux écrits :

"Les processions de Nort et de Héric venaient habituellement avec celte de Casson le jour de la fête Sainte-Anne. Mais d'autres paroisses s'y trouvaient encore quelquefois réunies avec leurs croix et leurs bannières. C'étaient particulièrement celles de Petit-Mars, Sartre, Les Touches, Sucé, Grandchamp. Ces processions venaient aussi séparément en d'autres temps de l'année, quand on voulait obtenir, un temps plus favorable aux biens da la terre ou la cessation de quelque épidémie."

"Madame Charbonneau se souvient d'avoir vu à Sainte-Anne les bannières de neuf paroisses. On dit que Saint-Donatien de Nantes y venait aussi quelquefois ; cela ne doit pas surprendre puisqu'on sait que les processions de ce temps parcouraient de très grandes distances. C'est ainsi que peu avant la Révolution de 1793, le pèlerinage de Saint-Sébastien-sur-Loire était encore fréquenté par les paroissiens de nos cantons. Casson avait choisi pour le jour de ce voyage, le lundi de la Pentecôte. On ne voyageait point le grand jour de la Pentecôte, mais dans la nuit, on se préparait au départ : à minuit, une quantité de barques se remplissaient de monde à Sucé."

Toujours à propos de Sainte-Anne, des processions, et tiré de la même source, voyons ce qui suit :"Le jour des Rogations, la procession de Casson s'arrêtait toujours à la chapelle Sainte-Anne où le curé célébrait la messe. Cet usage a continué fort longtemps. Après la messe, les marguilliers faisaient un repas auquel le curé et le maire étaient invités et prenaient part."

Mais on ne peut passer sous silence une certaine procession qui eut lieu au sortir de la Révolution, alors qu'il y avait encore en exercice des prêtres dits « jureurs », c'est-à-dire, qui avaient prêté le serment civil exigé par la Constitution mais interdit par l'Eglise. Au moment de cette procession, le curé de Nort, Monsieur Leroy était un « jureur » et Monsieur Herbert, curé de Casson, ne l'était pas. Aussi retournons à notre manuscrit :

"... Celui de Nort (le curé) nommé Monsieur Leroy, vint avec une nombreuse suite de ses paroissiens pour demander de la pluie à Sainte-Anne, dans un temps de longue sécheresse. Il envoya demander à Casson la clef de la chapelle où il avait l'intention de dire la messe. Le Maire qui, tenait alors cette clef, ne savait quel parti prendre ; on était dans des temps encore difficiles et les gens de Nort se faisaient craindre."

"Mais on avait pour curé à Casson, Monsieur Herbert qui ne les craignait pas. Les patriotes de Nort avaient pu l'Insulter, le couvrir d'avanies, rien n'avait pu le faire consentir à prêter le serment demandé."

" - Remettez-moi les clefs de la chapelle, fit-il dire au Maire, le curé de Nort n'y dira pas la messe, ne craignez point de malheur, je m'en rends responsable et me charge de tout !"

"Les gens de Nort firent grand tapage ; le maire les menaça à son tour, de faire dresser un procès-verbal et d'informer l'autorité supérieure. Obligé de céder, Monsieur Leroy fit apporter, devant la porte de la chapelle, une table qui servit d'autel et où il célébra."

"Sainte-Anne écouta les prières des bonnes gens mêlées dans cette foule ; la procession n'était pas plutôt de retour à Nort que la pluie tombait avec abondance..."

Mais qui était-ce donc ce Monsieur Herbert, curé de Casson ? Une notice nous l'apprend :

"Jacques Herbert né au Vieil-Hôtel en Nort en 1759, mort curé de Casson le 28 août 1834. Vicaire de Paimbœuf au moment de la Révolution. Il refusa le serment, vint se cacher à Nort où il fut emprisonné... Conduit à Nantes par un de ses oncles, il s'embarqua pour l'Espagne et resta huit ans à Bilbao. Revenu en France en 1800-1801, fut nommé à la cure de Casson où II mourut de la pierre. Esprit jovial et original..."

Sans doute ! Et en donnant, d'une part à notre curé l'occasion, non pas de se venger, mais en quelque sorte de pouvoir tenir à sa merci ses concitoyens qui lui avaient fait subir des tas de vilaines choses pendant son emprisonnement et, d'autre part en exauçant la prière des Nortais, la bonne Sainte-Anne fit preuve d'une grande mansuétude dont les hommes devraient bien s'inspirer plus souvent.

On est en droit de se demander quels étaient les prêtres desservant la chapelle Sainte-Anne dans les tout premiers temps de son existence. On ne peut répondre avec précision à cette question. Toutefois il est certain qu'au 16e siècle, iI y eut jusqu'à sept prêtres à Casson. Au siècle suivant, ils étaient peut-être moins nombreux, mais encore suffisamment pour desservir à la fois Sainte-Anne et Casson. D'ailleurs, le registre de la Fabrique mentionne quelques mariages célébrés à Sainte-Anne ; ainsi :

"... Le premier novembre 1617 épousèrent dans la Chapelle de Madame Sainte-Anne, Monsieur Jacques Bigot, paroissien de Casson et Jacquette Rollard, paroissienne de Saint-Pierre. Le Saint-Sacrement y fut administré par moi, vicaire soubsigné : Denys."

"En 1632, deuxième jour d'octobre furent épousés Riot paroissien de Nort, avec Perrine Ravilly, paroissienne de Casson, Brazard, recteur. En 1663, le septième jour d'août, Maître Jacques Bohergeaut paroissien de Nort était marié par messire Gilles Gérard, habitué de la Chapelle Sainte-Anne."

"Il y avait aussi des prêtres qui paraissent avoir été spécialement attachés au service de la Chapelle puisqu'ils prenaient le titre de chapelains et qui habitaient dans une maison attenant au lieu saint ; tels furent messires Gilles Mancel, Gilles Gérard... Certains prêtres s'étaient retirés à Corbin, ferme dépendant de la terre de Livernière et qui disaient la messe à Sainte-Anne régulièrement tous les dimanches. Le dernier de ces chapelains fut Monsieur Jaguet. Un certain abbé de Livernière, riche bénéficier, fit bâtir le nouveau logis de cette propriété, voisine de la Chapelle et copia le presbytère qui avait été construit en 1747 par Monsieur Monceau curé de Casson et éleva son bâtiment l'année 1748. Comme il n'y avait pas de chapelle privée à Livernière, iI disait sans doute la messe à Sainte-Anne. Après avoir changé plusieurs fois de maîtres, Livernière passa à la famille Lelièvre.

"Un des ancêtres de cette famille, homme pieux, qui l'avait quelques années avant la Grande Révolution de 1793, entretenait près de lui un aumônier afin d'avoir la messe tous les jours. Les prêtres qu'il amenait de Nantes étaient souvent des prêtres irlandais..."

Mais voici que l'an 1847 arrivait où le sort de notre chapelle allait se jouer. En effet : "L'an mil huit cent quarante sept, le dix huit du mois de juillet à une heure de midi, le Conseil Général de Fabrique de Casson, réuni au lieu ordinaire de ses séances sous la présidence de Monsieur Frémon, Monsieur Lelièvre faisant les fonctions de secrétaire, assistaient MM. Philippe, curé "de la paroisse, Guiltard, Bodin, François Bonraisin et Colas. Monsieur le Président a exposé que la Chapelle Sainte-Anne menaçait ruines de toutes parts, qu'il s'agissait donc de la reconstruire en entier, "que le lieu où maintenant elle existe est souvent inabordable tant par les accidents de terrain qui l'entourent que par le mauvais état des chemins qui y conduisent. Que, d'un autre côté, la distance qui la sépare du boura étant de plus de trois kilomètres, l'on ne pouvait y offrir souvent le sacrifice "de la messe ce qui faisait perdre aux fidèles l'habitude qu'ils avaient de la fréquenter. Que si, au contraire, elle était transférée à une distance rapprochée du bourg son entretien en serait plus facile, le sacrifice de la messe s'y ferait sans obstacle et la piété des habitants envers la Mère de Marie reprendrait toute sa ferveur.

"Qu'à cet effet. Monsieur Urvoy de Saint-Bedan offrait un terrain à la sortie du bourg, chemin de Casson à Sucé, lieu nommé la Robinière, qu'il donnera le terrain à la Fabrique si l'on juge convenable d'y transférer la dite chapelle.

"Relativement aux moyens d'exécution de la construction, ils étaient assurés par des dons faits par Messieurs Urvoy de Saint-Bedan père et fils et le concours de tous les habitants.

"Sur quoi, il prie les membres de délibérer."

"Sous la plume de Monsieur Luc Philippe, recteur de Casson, nous lisons ce ">qui va suivre : « En vertu de l'autorisation de Mgr l'Evêque de Nantes en date du 20 août 1847, on a démoli la Chapelle Sainte-Anne pour la reconstruire près le bourg dans ">la Robiniers appartenant à Monsieur Urvoy de Saint-Bedan et donné par lui à la Fabrique. Les paroissiens ont voulu emmener gratis au bourg toutes les pierres de la vieille chapelle par respect et dévotion. Cela est beau de leur part."

"Le 5 septembre 1847, je suis allé en procession par Recouvrance, par la Justice, par la Gandonnière, par l'Hôtel Bouchot auprès de laquelle j'ai béni une croix élevée par le propriétaire de cette dernière maison. Après avoir béni cette croix, j'ai conduit tout mon peuple et beaucoup de personnes des paroisses voisines aux débris de la vieille Chapelle Sainte-Anne, là. après un sermon donné par Monsieur Renou, vicaire de Nort. quatre hommes, savoir : Julien "Launay, forgeron du bourg, François NIel, de la Gaucherais, Jean Bonraisin de la Prée, François Ferré, de Launay et quatre jeunes gens, savoir : Jean Bâtard de la Bunnière, Martin Horaix des Grands Bois, François Dupé de la Gaudière et Julien Piaud du Pas Chevalier ont apporté au bourg et placé dons l'église la statue vénérée de Sainte-Anne en attendant qu'on la mette "dans la magnifique chapelle qu'on doit lui construire l'an prochain."

"Celle procession, cette bénédiction et cette translation ont été faites en vertu d'une autorisation donnée par Messieurs Vrignaud et Daudé, vicaires généraux, le 20 et le 21 août 1847."
"Cosson le 5 septembre 1847"
"signé : Philippe, recteur."

"Enfin le 11 juillet 1849, c'est la bénédiction de la nouvelle chapelle Sainte-Anne, celle que nous connaissons aujourd'hui. C'est au cours d'une procession grandiose qu'eut lieu la translation de la statue de Sainte-Anne, de l'église paroissiale à la chapelle. Cette fois, elle fut portée par les femmes. Notons, en passant, que l'abbé Félix Fournier, qui n'était pas encore évêque de Nantes, mais simplement curé de Saint-Nicolas, était présent à cette cérémonie.

"Si la fête religieuse, du fait de ce déplacement avait retrouvée un certain éclat, il n'en était pas de même de la fête profane "qui se déroulait en marge. D'abord, on ne chômait plus la Sainte-Anne, on la reportait au dimanche le plus proche. Pourtant, voilà cinq à six décades (mes souvenirs ne vont pas au-delà), je revois encore dans le bourg, les manèges de chevaux de bois, les tirs, les loteries et les marchands de nougats et de bonbons ; des — acides — comme disaient nos grands-mères !"

Source: inconnue