Chapelle Notre-Dame-du-Mûrier (1496)
Les anciens paludiers racontaient qu'un trésor était enfoui à Notre-Dame "à l'ombre de la tour à l'heure de midi". Il se serait agi des ornements d'or et d'argent de la chapelle. En réalité, ces joyaux, qui ont bien existé, furent données à l'Etat pour aider à solder les frais de guerre sous la Régence, pendant la minorité de Louis XV.
Une tradition dit qu'elle fut édifiée par les Batziens lors d'une épidémie de peste. Une autre tradition dit qu'elle aurait été édifiée à la suite d'un vœu formulé par Yves de Rieux. Il revenait d'Angleterre en bateau. Alors qu'il s'approchait du port, une tempête le surprit. Et tandis qu'il se croyait perdu, il promit à la Vierge de lui construire une chapelle à l'endroit précis où il toucherait terre. Il fut sauvé. Cette délivrance semble lui avoir donné des ailes et multiplié ses forces, car, toujours selon la légende, il put délivrer la belle Yseult des griffes du sire de Keranzais à la chapelle de Lesnérac! Malgré les ruines de la chapelle Notre-Dame-du-Mûrier, on peut deviner la beauté et la grandeur investies par de Rieux. Lire la légende.
Quoi qu'il en soit, le duc de Bretagne Jean V participe à la construction de l'édifice et rédige en faveur du projet une supplique au pape Eugène IV. Il y proclame sa dévotion à "Marie du Mûrier et demande à sa sainteté d'accorder à perpétuité sept ans et sept quarantaines d'indulgences à ceux qui visiteront la chapelle pendant la quinzaine qui suit la Nativité, soit à l'occasion des fêtes de la Vierge et qui aideront à sa construction."
En 1442, le pape accorde deux ans d'indulgences, favorisant les dons en argent.
Dès 1478, la chapelle est consacrée, le culte y est célébré et des corps ensépulturés. Des troncs permettent d'y collecter les aumônes. Notre-Dame attire particulièrement les fidèles du Croisic qui, en 1574, font preuve d'une générosité remarquée des marguilliers. Le plus souvent, il est vrai, les prêtres titulaires sont natifs du Croisic ou y résident. Aussi Marguertie Le Scuiche offre-t-elle pour els services du culte "une touaille de brin merquee de fil noyr" et Marie Tarouelle "une petite touaille de brin merquee de filz noyr pour meptre sur le tablier de Nostre Damme du Mourier".
L'origine du nom de la chapelle divise les esprits. Les uns arguent que Batz est situé au bord des marais salants de la presqu'île de Guérande. Le sel est gagné à partir de l'eau de mer conduite dans ces marais. Cette eau est appelée mourie, du breton mor, prononcé mour (la mer). Le mot mûrier, dans ce contexte, serait sans doute dû à une mauvaise compréhension du mot mourie.
D'autres soulignent que le mot muire n'a jamais fait partie du vocabulaire des paludiers guérandais. Les formes les plus anciennes du nom (capella beatoe Marie de Morario [1563-1564, 1578], Nostre Damme du Morier [1452], capella beatoe Marie du Mourier [1442]) montreraient que mourier représenterait bien le mûrier, arbre qui poussait en pays de Guérande. Au 17e, des parcelles de terre portent, au Croisic, à Guérande, á Saint-Molf ou à Piriac, les noms de Pré du Mourier, de Clos du Mourier et de Jardin du Meurier.
Enfin, selon la légende recueillie en 1834, la chapelle doit son nom au sanctuaire primitif où un mûrier abritait une statue de la Vierge. Et, si l'on en juge par le nombre de barques placées sous l'invocation de Notre-Dame, la Vierge était très en vogue auprès des marins guérandais entre 1385 et 1454.
Si les archives n'apportent pas d'éclairage déterminant sur l'origine du nom de la chapelle, elles attestent de la dédicace Notre-Dame du Mûrier, fêtée le 25 mars, jour de l'Annonciation et de la fondation de diverses chapellenies. Le 20 août 1481, le prêtre dom Jean Giquello y fonde une chapellenie de deux messes annuelles à la présentation de la fabrique de Batz. Puis, au 16e, c'est au tour des familles de Kerveno et Quello de fonder deux autres chapellenies.
En 1481, le titulaire est dom Yves Le Loues du Croisic. Entre 1563 et 1578, les trois prêtres desservants ont pour nom Jean de Kerveno, Hervé Tallic et Jean Tarrouelle. Entre 1601 et 1607, le chapelain en titre est Olivier Le Normant. Dans la première moitié du 18e, François Brisson a en charge la chapelle. Joseph de Lespine, prêtre-sacriste de Notre-Dame de Pitié du Croisic, lui succède en 1748. Il est remplacé en 1769 par François Monfort, prêtre natif de Batz.
Deux des chapellenies sont abandonnées, sans doute pendant les Guerres de Religions ou au début du 17e, alors que les familles notables passent à la Réforme. Au 18e, seule une messe hebdomadaire, le samedi, est encore célébrée.
Entre 1668 et 1742, les recteurs de Batz bénissent l'union de quatre couples et les fiançailles de deux jeunes gens en Notre-Dame du Mûrier. Entre 1669 et 1682, au moins huit enfants y sont ensevelis. Mais les sépultures y étaient beaucoup plus courantes aux siècles précédents ainsi que dans la clôture de son proche cimetière. En revanche, peu de baptêmes y sont administrés. En juin 1752, on trouve sur les marches de la chapelle un nouveau né que ses parents nourriciers baptiseront du nom de Julien du Mûrier.
Pendant la Révolution, elle servit de salle au Conseil Municipal. Le culte n'y fut jamais rétabli. La chapelle est délaissée depuis 1820. En 1819, un ouragan emporte une partie de la toiture. Bientôt, les restes de la charpente en cèdre, du lambris et le pavé sont pillés par les riverains. Les portes et les fenêtres sont murées. La population transforme l'édifice religieux en carrière et en dépotoire.
Entre 1839 et 1847, les ruines manquent de disparaître : le conseil de fabrique du Pouliguen propose à la commune de Batz d'en acheter les pierres pour bâtir au Pouliguen une église en remplacement de l'église Saint-Nicolas. En mai 1820, la chapelle est de toute façon trop petite pour recevoir les autochtones et les villégiateurs qui se pressent en été à Batz. Les ruines sont classées monument historique en raison de la valeur de leur caractère "romantique".
Après la fermeture de la chapelle en 1820, le mobilier en est dispersé. Un haut relief du 15e en bois polychrome est données au musée Dobrée de Nantes. Une tête de Christ va au musée de la porte Saint-Michel à Guérande. En 1907, quelques familles possédaient des éléments du lambris dans leur grenier. En 1838, les pierres de la chapelle Saint-Laurent sont remployées dans les fondations de deux maisons particulières de la Grand'Rue. En 1869, la chapelle du Saint-Esprit est rasée.
(Texte relevé en partie de l'historique de la ville de Batz, rédigé par Gildas Buron, Conservateur du Musée des Marais Salants.)