La statue de Notre-Dame de la Peinière


La statue dorée de la Sainte Vierge que nous honorons à la Peinière paraît devoir remonter à la première moitié du 16e siècle. L'étude de son costume, disent les archéologues, suffit à la dater d'une manière assez précise. Le voile ou quimpe qui recouvre sa tête et qui descend en pointe au milieu du front était de mode au temps de Catherine de Médicis. La mode en dura peu, ce qui prouverait que la statue n'est pas antérieure à 1550. On croit qu'elle aurait appartenu à un ermite qui habita le village de la Peinière et qui aurait disparu à la fin du 16e siècle, peut-être par le fait des guerres de Religion. Dans certaines contrées de Bretagne, ces ermites purent se maintenir jusqu'à la veille de la Révolution.

Jusqu'aux fêtes du Couronnement, en 1926, la statue de Notre-Dame de la Peinière était minuscule, quelques centimètres de bois doré seulement. A l'occasion du Couronnement, on lui a fait retrouver sa forme primitive. De l'antique statue il ne restait que la tête et le buste. "Le P. d'Armailhac, archéologue expérimenté, le principal auteur de cette œuvre de reconstitution, constata que la disparition de la partie inférieure de la statue était due soit à une mutilation - peut-être de l'époque révolutionnaire, - soit à une décomposition du bois au cours des âges, la partie conservée menaçant elle-même de tomber en poussière. On reconnut, au travers des plis grossiers, taillés par le naïf sculpteur du 16e siècle, qu'elle était tronquée un peu au-dessus des genoux. On lui rendit ses jambes." (D'après E. Guillet, Couronnement de Notre-Dame de la Peinière, 1926.)

Le naïf sculpteur qui l'a ouvrée n'a sans doute pas pensé qu'un jour cette statue attirerait les foules à ses pieds. Il a travaillé comme les bons "ymaigiers" d'autrefois et a fait passer dans son travail quelque chose de ses élans d'âme. Qui était-il? Suivant une tradition populaire, un pieux ermite. Qu'a-t-il voulu faire dire à la Vierge? Il l'a montrée penchant son visage vers la terre. Elle ramène son bras gauche sur son cœur, et de la main droite elle retient son manteau. A la voir, on ne peut s'empêcher de penser à la parole de l'Evangile: Marie conservait toutes choses en son cœur; Notre-Dame de la Vie Intérieure, Notre-Dame du Recueillement. Cette attitude répondrait si bien aux désirs d'un ermite pour qui Marie est le modèle de vie intérieure.

Faut-il s'arrêter à cette explication? Une autre a prévalu. L'artiste a confié ses peines à la Vierge et c'est pourquoi elle penche vers lui son visage, que l'on dit triste, pour écouter ses enfants de la terre. Elle ramène son bras gauche sur son cœur pour montrer qu'elle garde précieusement tout ce qu'on confie à son amour maternel et de sa main droite elle retient son manteau "pour faire voir avec quel soin elle protège ceux qui se réfugient près d'elle". (Chanoine Durocher, curé de Notre-Dame de Vitré. Discours prononcé le lundi 21 mai 1887.) Retenons cette dernière explication, puisque c'est elle qui a prévalu dans la pensée des pieux pèlerins de Notre-Dame.


Source : Les Presses Bretonnes, Saint-Brieuc