Fêtes du Couronnement de la Statue de Notre-Dame de la Peinière

(8 Septembre 1926)


Après un siècle de grâces, de faveurs de toutes sortes, prodiguées par Notre-Dame de la Peinière sur un coin de terre bretonne particulièrement béni, il convenait qu'à leur tour les chrétiens fassent monter vers Elle le tribut de leur reconnaissance dans un acte solennel. Et l'Eglise n'a rien trouvé de mieux que de donner les honneurs du Couronnement à ses Madones vénérées: reproduire sur la terre ce qui s'est passé au ciel, au jour de l'Assomption, lorsque le Fils déposa sur sa Mère la couronne aux douze étoiles.

On en parla longtemps auparavant de ce Couronnement de Notre-Dame de la Peinière. Il a soulevé l'enthousiasme de tout le diocèse de Rennes. Tout un peuple se donna rendez-vous aux pieds de Notre-Dame, 50.000 personnes occupant un terrain de près de quatre hectares.

On la prépara longuement aussi, cette fête. Tout d'abord, on essaya de rendre à l'antique statue mutilée sa forme primitive.

"On lui rendit ses jambes. Celle qui, à la Peinière, a rendu la marche à des paralytiques (témoins les béquilles et bâtons suspendus aux murs de la chapelle) et qui recevait volontiers les hommages que lui adressaient les fidèles devant son humble image mutilée, a dû sourire, en son beau ciel, de voir les hommes rendre les jambes à sa statuette." (G. GUILLET, Couronnement de Notre-Dame de la Peinière.)

"La forme complète de la statue était retrouvée, il restait à composer la parure. M. le Recteur de Saint-Didier, qui voulait que "sa Vierge" fût belle, et qui eut en même temps le désir de faire participer tous les dévots de la Peinière à son embellissement, lança, un an auparavant, un appel à leur générosité. Aussitôt, de tous les coins du diocèse, et de plus loin encore, arrivèrent les dons précieux: bagues, bracelets, pendeloques, boucles d'oreilles, colliers, pierreries et bijoux de toutes sortes constituèrent en peu de temps un trésor d'une grande richesse; certaines familles se privèrent de ce qu'elles avaient de plus cher.

"La statue fut enfermée dans une enveloppe de cuivre, à laquelle on conserva fidèlement tous les traits de la physionomie et les plis du vêtement. Cette enveloppe fut elle-même recouverte d'une couche d'argent, et enfin d'une couche d'or à laquelle on donna la patine du temps. Réalisation à la lettre du psaume 44: adstitit Regina a dextris luis in vestitu deaurato.

"Le socle a été orné de pierreries. Les yeux du petit serpent qui rampe sous les pieds de la Vierge sont eux-mêmes d'un grand prix.

"Sur la tête de la statue on adapta une seconde coiffure, sorte de casque, en métal doré, qui répond par sa forme à la coiffure originale et qui même la laisse voir sous son bourrelet de perles: c'est sur ce casque qu'on fixa la couronne.

"Pour la fabrication de la couronne, ou plutôt des couronnes. car il y en a trois, on employa tous les bijoux recueillis. La première couronne, celle qui fut déposée sur la tête de la Vierge le jour du Couronnement, est toute d'or pur. On y a enchâssé de tous côtés des topazes d'une grande richesse, et la petite croix qui surmonte la couronne est incrustée de pierreries également très précieuses, offertes par les dames de la Mayenne.

"Le tissu précieux du manteau est bordé d'une large broderie aux fils de soie et d'or, mêlés de tons bleu pâle, qui courent et s'entrelacent en un dessin très gracieux. Un bijou étincelant sert d'agrafe au manteau.

"Le dimanche 5 septembre, une fête intimement paroissiale se déroula au bourg de Saint-Didier et dans la chapelle de Notre-Dame de la Peinière. C'était le prélude de la grande fête. La Vierge rentrait chez elle après un séjour prolongé chez les artistes qui l'avaient parée de joyaux comme une Reine qui vient du ciel.

"Au matin du 5 septembre, en l'église de Saint-Didier, la Vierge de la Peinière apparut sur un piédestal devant l'autel, aux yeux des paroissiens émerveillés. M. le Recteur avait décidé de célébrer le retour de la Vierge. C'était comme le souhait de bienvenue adressé à leur Madone par le pasteur et les paroissiens. Il convenait que la statue vénérée ne rentrât pas en sa chapelle sans les honneurs dus à une Reine."

Mgr Gorju, évêque de Musti, présida la journée. Le matin, une grand-messe solennelle fut célébrée à Saint-Didier. L'après-midi, quand la procession sortit de l'église paroissiale pour se rendre à la Peinière, une foule de pèlerins attendait sur la place. La procession s'avança. En tête, les cavaliers de Notre-Dame de la Peinière, en costume d'apparat, et le fanion aux couleurs de la Vierge, enfants des écoles, confréries, Harmonie de Notre-Dame de Vitré, petits mousquetaires, clergé, précédaient la statue portée par des prêtres et séminaristes, escortée de petits pages. Mgr Gorju suivait la statue, entouré de nombreux prêtres.

Après avoir défilé au chant des cantiques, sur une route garnie de guirlandes, d'oriflammes et d'ares de triomphe, la statue reprit possession de son domaine, prête à recevoir les honneurs du Couronnement.

La Fête du 8 Septembre

Au matin du 8 septembre, un soleil radieux éclairait la Peinière; de tous côtés les pèlerins affluaient. Il en vint de tous les coins d'Ille-et-Vilaine et des départements limitrophes.

C'était un spectacle émouvant de voir cette foule en marche vers le clocher de la Peinière. Depuis le bourg de Saint-Didier d'un côté, et de l'autre depuis la gare des Lacs, les pèlerins ne marchaient que sur un chemin de fleurs et de verdure; sur une longueur de quatre kilomètres, la voie était bordée de guirlandes et couverte de portiques.

Ce qui frappait les yeux à l'arrivée, c'était l'appareil grandiose des décorations. Depuis des mois et des mois, on travaillait partout. A Saint-Didier, dans chaque famille, on tressait des guirlandes, on garnissait des montures de portiques. Dans les paroisses voisines, on s'était également mis à l'œuvre et les groupes d'ouvrières rivalisaient de génie et façonnaient des merveilles.

Trois arcs de triomphe ouvraient la place de la Chapelle la place elle-même était entourée d'arbustes aux feuillages variés entre lesquels couraient des festons de roses entrelacées. La chapelle portait une parure toute de bleu et de blanc: décoration fine, dont les lignes légères de flocons de tarlatane montaient au sommet du dôme en suivant les colonnettes et s'accordant avec les arceaux de la rotonde.

Lorsque le cardinal Charost, archevêque de Rennes, arriva à la Peinière, accompagné de Mgr Serrand, évêque de Saint-Brieuc, il fut reçu par le maire de Saint-Didier et son Conseil municipal. Le cardinal félicita le maire et son Conseil municipal de leur esprit de foi, en présence de parlementaires et des maires des environs.

Pendant que les évêques revêtent dans la chapelle leur habit de cérémonie, la tête de la procession se met en marche. Un groupe de vingt cavaliers en uniforme caracolent sur leurs chevaux, frayant la voie vers le château de la Roche. mis gracieusement à la disposition de Notre-Dame de la Peinière par la famille de Sèze. Croix, bannières, enfants des écoles portant des oriflammes, confréries, enfants de chœur, se succèdent. Toutes les paroisses des environs, des pays de Vitré, de La Guerche, même des paroisses des diocèses de Laval et d'Alençon, s'avancent à tour de rôle derrière celle de Saint-Didier qui ouvre la marche. Plus de trois cents prêtres prirent part à la procession.

Et voici la statue de Notre-Dame de la Peinière qui s'avance, sur un brancard surmonté d'un joli dôme, portée par quatre prêtres originaires de Saint-Didier. Elle s'en va recevoir la couronne triomphale au milieu des fidèles qui l'acclament et qui la chantent.

Quatre prélats et cinq évêques suivent la statue: Mgr Picaud, évêque auxiliaire de Vannes; Mgr Serrand, évêque de Saint-Brieuc; Mgr Friteau, évêque de Jabuda; Mgr Gorju, évêque de Musti; Mgr Berré, archevêque de Bagdad; S. Em. le cardinal Charost, assisté de ses deux vicaires généraux, MM. Gayet et Jourdan; et derrière, la longue file d'hommes et de femmes qui suivaient en chantant des cantiques ou en récitant le chapelet.

La route est bordée de deux haies humaines: les ares de triomphe se succèdent à quelques mètres; on en a compté plus de cent; de longs chapelets de roses et de feuillages étendent leurs dizaines colorées d'un poteau à l'autre. C'est une voie royale.

La procession surtout est édifiante, les gens prient. On en a vu s'agenouiller sur les cailloux du chemin. On regardait avidement le spectacle, mais le spectacle lui-même chantait partout la gloire de Marie.

"On arrive au parc; la foule se presse autour de l'estrade où on a dressé l'autel. Spectacle impressionnant. L'immense pelouse était devenue un champ merveilleux ou des milliers de fronts rayonnaient sous l'effluve de la grâce, comme au soleil de midi scintillent les épis qui sont l'espoir du père de famille."

La grand-messe fut chantée par Mgr Berré, archevêque de Bagdad. La psalette du Séminaire des Missions de Montfort exécuta avec beaucoup d'art le chant grégorien, à l'exception du Gloria et du Credo qui furent chantées par la foule. Prière immense qui retentit jusqu'aux derniers échos de la vallée de la Vilaine.

A l'évangile, Mgr Serrand raconta l'histoire de la statue de Notre-Dame de la Peinière, montra l'admirable continuité avec laquelle se développa son culte et les progrès croissants du pèlerinage. Il rappela les bienfaits de la Vierge et les grâces obtenues à la Peinière, grâces qui se sont étendues sur tout le pays, D'illustres visites ont honoré ce sanctuaire, et maintenant la réputation de cette Vierge a dépassé les limites de la région. Après avoir célébré la gloire de la Reine du Ciel et la joie des hommes en ce jour "où des choses du Ciel sont descendues sur la terre", Mgr Serrand souhaitait, en concluant, que le diadème d'or offert par la générosité des fidèles fût le "symbole du diadème des âmes" tressé par leur piété.

Après le saint sacrifice de la messe arrive le moment solennel où la Vierge de la Peinière va recevoir sa couronne des mains du prince de l'Eglise. Délégué du Souverain Pontife, le cardinal Charost est aussi le représentant de tous les fidèles qui ont voulu le couronnement de leur Vierge. Pendant le chant du Regina Caeli le cardinal récite les prières du Couronnement et bénit les trois couronnes. Il dépose la plus belle sur le front de la Vierge. A ce moment, le canon tonne, pour annoncer à toute la vallée le grand événement. De toutes parts, les acclamations retentissent et le Magnificat chanté par la foule redit avec enthousiasme que "toutes les générations la proclameraient Bienheureuse".

L'après-midi, les pèlerins se retrouvent auprès de la statue pour la cérémonie finale et pour entendre le discours du cardinal Charost. Le cardinal remercie la châtelaine de la Roche, Mme de Sèze, pour la bonne grâce de son accueil et la générosité avec laquelle elle a offert son vaste pare. Puis il s'engage dans une fine analyse du caractère particulier de Notre-Dame de la Peinière. Refuge des peines et des angoisses, Elle est la consolatrice de notre pays. Il appuie sur la note de confiance et d'espoir en Marie. En terminant, il lui demande d'étendre sa royauté sur cette foule dont le recueillement a fait battre son cœur d'évêque "avec une douceur infinie".

Le salut solennel du Saint Sacrement, présidé par Mgr Friteau, fait descendre sur la foule, après la bénédiction de la Mère, celle du Fils.

Après ces assises solennelles, la Vierge de la Peinière rentra dans son sanctuaire, au milieu des acclamations de tout un peuple délirant d'allégresse, et manifestant, comme le matin, sa foi par les chants, les Ave et les supplications.

Un témoignage et un souvenir perpétués de cette grande journée nous restent: la statue couronnée que nous allons prier nous redira les pieux transports qui, un jour, unirent la terre et le ciel dans la même allégresse.

(D'après E. GUILLET, Couronnement de Notre-Dame de la Peinière.)


Source : Les Presses Bretonnes, Saint-Brieuc