Construction de la deuxième chapelle

de Notre-Dame de la Peinière


L'élan était donné et les pèlerins affluaient de plus en plus nombreux dans le vallon solitaire de Notre-Dame de la Peinière qui, pendant quelques heures, s'animait au chant des cantiques et de la récitation des Ave qui montaient vers le trône de Marie.

En 1873, le cardinal Brossays Saint-Marc avait demandé au clergé et aux fidèles de faire une croisade de prières pour la paix de l'Église et le salut du pays. L'arrondissement de Vitré répondit à l'appel du cardinal et toutes les paroisses vinrent en pèlerinage à Notre-Dame de la Peinière, en 1874 et en 1875. Rennes, à son tour, envoya un fort contingent de pèlerins. Désormais, la marche vers la Peinière ne s'arrêtera plus. Pendant les vingt-cinq dernières années du 19e siècle, on verra à la Peinière de magnifiques démonstrations de foi et de piété mariales.

M. l'abbé Huchet, qui devait diriger la paroisse de Saint-Didier depuis 1871 jusqu'à 1900, fut lui-même un animateur zélé du pèlerinage. Il avait envers Marie une tendre piété filiale; sa bonne humeur et son entrain lui gagnèrent de vives sympathies. C'est avec joie qu'il consacra toutes ses forces à promouvoir le culte de Notre-Dame de la Peinière. En cela, il fut aidé pendant vingt ans par un vicaire qui a laissé à Saint-Didier un renom de sainteté, M. l'abbé Rallé.

Nous avons vu que le Bref pontifical de 1864 n'accordait les privilèges et indulgences que pour dix ans. M. Huchet profita du concours toujours plus grand des pèlerins pour solliciter de Rome le renouvellement des faveurs spirituelles. Ce qui fut accordé par un Bref du 22 mai 1874.

De son côté, le cardinal-archevêque de Rennes, Mgr Brossais Saint-Marc, donnait un gage de plus de l'intérêt qu'il portait au sanctuaire de la Peinière en autorisant M. le Recteur de Saint-Didier à y conserver le Saint Sacrement (23 septembre 1875).

Sur l'autel de la chapelle de la Peinière, on avait placé une grande statue de la Sainte Vierge, mais ce n'était pas celle que l'on avait trouvée dans les décombres de la maison des Ermites. Les pèlerins désiraient une reproduction de l'image de Celle qu'ils venaient prier. M. Huchet comprit ce désir des pèlerins et fit reproduire par un artiste de Rennes, M. Gaunierais, l'antique statue de Notre-Dame de la Peinière. Une grandiose manifestation de piété se déroulera dans son sanctuaire, le lundi de la Pentecôte 21 mai 1877, devant un flot de pèlerins accourus de tout le pays de Vitré et de tout le pays de Rennes.

Dans la chapelle construite en 1840, il n'y avait qu'un autel. Il était donc difficile aux prêtres qui venaient en pèlerinage à la Peinière avec leurs paroissiens d'y célébrer la sainte messe. C'était un inconvénient qui empêchait beaucoup de prêtres de se joindre aux pèlerins de leur paroisse.

Nous citons ici. M. Renault qui a bien présenté la difficulté:

"A la Peinière, les pèlerins pouvaient satisfaire en partie leur dévotion par des prières particulières, la visite au Saint Sacrement, le chapelet, le Chemin de la Croix. Mais ils désiraient eux aussi témoigner d'une façon plus solennelle, plus religieuse, leurs aspirations et avoir auprès de Dieu et de la Très Sainte Vierge un interprète de leurs sentiments et de leurs désirs... Quand le prêtre faisait défaut. ils s'en retournaient heureux, il est vrai, d'avoir accompli un pèlerinage, mais leur piété n'était pas satisfaite. Seule la présence d'un prêtre peut en effet assurer le plein épanouissement, soit en résumant et en concentrant dans l'offrande de la sainte Victime les vœux et les hommages des assistants, soit en donnant les avis et les enseignements nécessaires.

"Dans beaucoup de patoises, on se refusait à entreprendre le pèlerinage, sous prétexte qu'on ne pouvait assister à la messe, soit que l'autel ne fût pas disponible, soit que l'affluence des pèlerins rendît impossible l'accès de la chapelle..."

Sollicité d'entreprendre la construction d'une nouvelle chapelle, M. Huchet se décida, après avoir longuement réfléchi et prié Dieu et Notre-Dame, à commencer ce travail.

Il reçut les encouragements des archevêques de Rennes et on se mit à l'œuvre dans les premiers mois de 1895. M. Huchet fit tracer une route qui aboutissait au milieu du village, afin de faciliter les charrois.

La municipalité céda gratuitement une parcelle de terrain, et la famille Du Bourg, la prairie dans laquelle on avait trouvé la statue miraculeuse. On détruisit le sanctuaire construit en 1840, non sans un serrement de cœur!

Des équipes de paysans affluèrent pour faire les travaux de terrassement. Chaque famille chrétienne de la région considéra comme un honneur de fournir des ouvriers à la Vierge. "On aurait dit une colonie de moines, tellement on y remarquait de bonne volonté, d'endurance et de piété. Pas un mot trivial, pas une plaisanterie déplacée, mais partout et chaque jour cette jovialité, cette entente cordiale entre les travailleurs qui indique que l'on travaille pour Dieu." (Abbé Renault, op. cit., p. 145.)

M. l'abbé Georges, vicaire à Saint-Didier, fut le recruteur infatigable de ces braves gens qui voulaient travailler pour Marie et qui apportaient à la Vierge sable, pierre, pieds d'arbres et des plus beaux, des matériaux de toutes sortes.

La bénédiction de la première pierre faite par M. Renaud, vicaire général, le mardi 8 septembre 1895, donna lieu à une grandiose manifestation. Mais M. Huchet, qui célébrait en même temps ses vingt-cinq années d'apostolat à Saint-Didier, n'était pas au bout de ses peines. Il consacra les quatre années qu'il devait encore vivre à mener l'entreprise à bonne fin, au milieu des plus grandes difficultés. Les ressources lui manquaient, et pourtant il y avait consacré une partie de sa fortune.

En maintes circonstances, il se vit obligé d'arrêter les travaux, faute de ressources.

"Un soir, après une journée employée à quêter pour la chapelle, il était rentré harassé de fatigue et presque découragé par l'insuccès de ses démarches. Il lui fallait trouver 1000 francs pour le lendemain.

"Je pris mon chapelet, racontait-il, et bien que je l'eusse déjà égrené plus d'une fois dans la journée, je priai Notre-Dame de la Peinière de m'inspirer quelque bonne résolution qui me tirât d'embarras. Je mis tout mon cœur pour dire à cette bonne et puissante Mère l'espérance qu'Elle ne m'abandonnerait pas! ... Je n'avais pas plutôt terminé ma prière que quelqu'un frappait à la porte du salon. C'était M. le comte du... qui apportait les 1000 francs. Plusieurs fois, ce bon serviteur de Marie renouvela son geste..." (D'après l'abbé Renault, Op. Cit., P. 154.)

La chapelle de Notre-Dame de la Peinière fut achevée en 1900. M. Huchet n'eut pas la joie d'assister à sa bénédiction. Dernière épreuve permise par Dieu pour augmenter les mérites du prêtre qu'Il allait bientôt rappeler à Lui. Un soir de novembre 1899, il fut gravement blessé par la lourde porte de fer qui clôturait le presbytère. Cet accident, joint à des deuils qui le frappèrent dans ses affections les plus chères, ébranla sa santé.

La bénédiction de la nouvelle chapelle eut lieu le jour de Pâques, 15 avril 1900, par M. Boudou, curé-doyen de Châteaubourg. La maladie de M. Huchet empêcha de donner à cette fête tout l'éclat que l'on eût désiré.

Quelques jours après, le 24 avril, ce pieux serviteur de Marie s'éteignit en murmurant une dernière prière à Notre-Dame de la Peinière.


Source : Les Presses Bretonnes, Saint-Brieuc