Chapelle du Nid-de-Merle

"Un enfant gardait son troupeau sous les grands ombrages de la 1'orêt de Rennes. Soudain il aperçoit une lumière dans le feuillage d'un buisson. Il regarde, presque apeuré, et constate que cette lueur sort d'un nid construit là par un merle! Surpris mais un peu rassuré, il écarte les branches, avance la tête : dans le nid, une toute petite statue de la Vierge jette autour d'elle une céleste clarté. L'enfant n'ose en croire ses yeux et craint de poser la main sur la sainte image. Il n'a plus peur et pourtant il tremble. Enfin, mettant sa confiance en Dieu, il enlève doucement la statuette et l'emporte au presbytère. Le bon recteur, pas moins étonné que le jeune pâtre, place la statue miraculeuse dans son église. Mais le lendemain matin, plus de Vierge! Le petit berger la retrouve dans le nid qu'elle s'était choisi pour demeure. On prend alors le parti de construire une chapelle là où la Mère de l'Homme-Dieu voulait évidemment être honorée. Et cette chapelle reçut le nom de Notre-Dame-du-Nid-de-Merle.

Telle est la légende, tout empreinte de la fraîcheur des bois et du charme de l'enfance favorisée en tout temps par Marie. Peut-être est-elle, comme bien des légendes, un fait historique ou miraculeux enjolivé par le temps? Dans l'église de Saint-Sulpice-1a-Forêt, on vénère toujours une statuette de bois, haute de huit centimètres. Marie est représentée debout, tenant sur son bras gauche l'Enfant Jésus, qui joint ses petites mains et a le visage bien éveillé; tandis que la Mère présente un sceptre de sa main droite. Des colliers ornent le cou de l'enfant aux cheveux bouclés et de la Mère qui semble porter la coiffe de Quimper.

Quoi qu'il en soit, ce lieu béni fut choisi par Conan Ier vers 990, pour y fonder une abbaye bénédictine. Elle comprenait deux monastères : l'une de femmes, gouverné par une abbesse, supérieure de tout l'établissement; l'autre d'hommes, mais soumis également à l'abbesse, en souvenir de l'obéissance de Saint Jean l'Evangéliste à la Sainte Vierge retirée chez lui après la mort de son Fils. La règle adoptée pour les religieuses était celle de Saint Benoît. Elles ne devaient rompre le silence que pour s'accuser de leurs fautes et chanter les louanges de Dieu, ne voir personne sans la permission de l'abbesse, ne jamais sortir du cloître. Quant aux religieux, ils devaient réciter l'office canonial, ne rien posséder en propre, se contenter de ce que l'abbesse leur doimait, ne point se mêler des affaires du siècle. Ils étaient les directeurs spirituels des religieuses qui restaient seules maîtresses du temporel. L'abbesse du Nid-de-Merle recevait la profession des moines et leur voeu d'obéissance à son égard. Les religieux étaient obligés d'assister au chapitre général tenu par l'abbesse et d'observer les règlements qu'elle y portait.

Par suite de ces règlements, les moines, appelés Frères Condonats, furent peu nombreux et n'existaient plus à la fin du XVIe siècle.

L'abbaye du Nid-de-Merle, appelée plus tard abbaye de Saint-Sulpice-des-Bois, puis de Saint-Sulpice-la-Forêt, atteignit une importance considérable. Elle fonda des prieurés dans toute la Bretagne, plusieurs aussi en France et deux en Grande-Bretagne. A une certaine époque, vingt-deux prieurés reconnaissaient son obédience. Son expansion et sa vitalité expliquent l'influence considérable que cette abbaye exerça sur la vie religieuse en Bretagne. La Champagne des Sablons, elle aussi, devait bénéficier de cette heureuse influence."

Source : Abbé Auffret, La Ville-ès-Nonais, 1957.