Chapelle Notre-Dame-de-Pitié de Saint-Carré (1796)

C'est un lieu très fréquenté par les pélerins. Il est certain qu'il en vient tous les ans un grand nombre de tous les environs, particulièrement aux fêtes de la Sainte Vierge, mais surtout à la Pentecôte. C'est le jour du pardon qui dure trois jours. Il commence le samedi par les vêpres, la procession des miracles et un feu de joie suivi d'un Te Deum.

La chapelle miraculeuse et dévote de Notre-Dame de Pitié au village de Saint-Carré, en Lanvellec, doit son origine à un simple manœuvre du même endroit. Voici ce que tout le monde sait :

Bizien Jean, simple journalier habitant la petite maison qui porte son nom et où demeurait le sacristain de la chapelle, avait un grand amour pour la Ste-Vierge, ce qui lui valut l'insigne faveur de propager la dévotion envers elle par un miracle de la toute puissance divine et la bienveillante reconnaissance de Marie envers son serviteur. La divine mère lui apparut pendant trois nuits consécutives et lui parla en ces termes : "Bizien, lève-toi, va à telle place. Tu y trouveras une statue représentant la Vierge que tu aimes si affectueusement ; tu l'emporteras chez toi jusqu'à ce que tu lui aies bâti une chapelle". Bizien fit part de ce qu'il avait vu et entendu au pasteur de la paroisse qui lui conseille d'obéir à la voix de Marie. Il fouilla et trouva en effet la statue miraculeuse enfouie ; il l'emporta chez lui et bientôt il fut obligé, vue l'exiguïté de sa maison, d'élever une loge en forme d'oratoire pour exposer sa statue à la vénération des fidèles qui venaient de toute part pour honorer Marie.

Monsieur le Comte de Perrien, seigneur du village, voulut lui-même contribuer à faire honorer la mère du Christ. Il donna l'emplacement nécessaire pour bâtir une chapelle au lieu où fut trouvée la statue. La date de la construction se lit sur une des poutres : elle est de 1696. Le nom de Bizien y est porté comme premier auteur de la chapelle.

On rapporte qu'à sa mort son corps fut placé dans une charrette traînée par quatre bœufs pour être transporté au cimetière de la paroisse, le seul où l'on enterrait à cette époque, et qu'à la sortie du village, à cent mètres à peine de la chapelle, les bœufs refusèrent de passer outre. Quelque effort que l'on fit, jamais on ne put les faire avancer. A cette invincible résolution, on crut reconnaître que la Sainte Vierge voulait que le corps de son dévôt fût placé près d'elle ; et on l'enterra dans le cimetière de la chapelle où se trouve maintenant la croix.

Voici ce qu'on voit sur la poutre de la chapelle : "Fait faire en 1696 par Mtre Yves Le Brigant, gouverneur, Jean Guyomar, trésorier ; Bizien, premier auteur de cette chapelle ; le Comte de Perrien fondateur".

Plusieurs privilèges et indulgences sont accordés à cette chapelle par les papes qui se sont succédés depuis. Plusieurs faits miraculeux ont été opérés par l'intercession de Notre-Dame de St-Carré. Ils sont recueillis et attestés par M. Francois Le Gall alors recteur de Lanvellec, qui en a été, pour ainsi dire, témoin.

1 ) Marie-Pauline Droniou, fille de Yves Droniou et Catherine Le Bastard, meuniers au Run, en Lanvellec, âgée (en 1809) de trois ans et quelques mois, tomba, dans le courant de février, dans le biez (bief) et fut emportée par le courant jusqu'à la chute de l'eau sur les tournants du moulin. Elle passe sous le canal, tombe sur les tournants, et est ainsi emportée par le courant environ trente pas plus loin. Ses parents s'apercevant de son absence se mettent à la chercher le long du biez supposant qu'elle pouvait y être tombée. Ils trouvent effectivement l'endroit par où elle avait glissé. Alors la mère, tout éplorée, voue sa fille à Notre-Dame de Pitié, promet diverses choses (elle les a toutes exécutées). On trouve enfin l'enfant dans un endroit très profond. Elle a les yeux extrêmement gonflés et sortis de la tête. Elle paraît morte. Elle revint enfin à la vie après avoir séjourné environ cinq quarts d'heure dans l'eau (attesté par le père qui a signé le registre de paroisse).

2) Toussaint Le Guern, fils de Jacques et de Marguerite Thos, de Lanvellec (en 1814 âgé de 11 ans) avait la mauvaise habitude de tirer la langue pour se moquer des parents qui le réprimandaient. Il eut la langue coupée dans une de ces circonstances ; la gangrène dévorant le reste de la langue, on fut obligé de la couper jusqu'aux racines. Le médecin qui fit l'opération dit : "Je l'ai guéri, mais il est certain qu'il ne pourra plus articuler un seul mot" ; ce qui arriva en effet, car l'enfant ne se faisait comprendre que par signes.

A l'approche de la communion des enfants, il allait tous les jours conduire sa sœur à une maison voisine de l'habitation de ses parents où l'on instruisait les enfants pour les préparer à ce grand acte de la vie. Il apprit ainsi son catéchisme et ses prières en écoutant les instructions. Enfin pendant l'examen que M. le Recteur faisait à l'église, cet enfant prend sa mère par le bras et lui fait signe de le suivre. Il la conduit ainsi, étonnée et surprise, de village en village, jusqu'à la chapelle de Saint Carré où étant arrivé il se mit à genoux devant la porte du frontispice et fait une courte prière puis il se lève, retrousse son pantalon, et fait à genoux le tour de la chapelle, suivi de sa mère qui n'y comprend rien. Arrivé à la porte d'où il était parti, il pria pendant un quart d'heure. Pendant ce temps, il est saisi d'inquiétude ; il lui semble sentir sa langue se gonfler dans sa bouche. Il se lève, et adressant la parole à sa mère lui dit : "Allons à présent à la maison !". La mère étonnée s'écrie : "Mon enfant parle donc à présent ? - Oui, ma mère, par la grâce de Dieu et de la Sainte-Vierge".

Ils se dirigent ensuite vers le presbytère - au bourg - racontent au Recteur ce qui s'est passé. Cet enfant fut admis à faire sa communion ; mais pour la plus grande (... ) il reçut la Sainte Communion, le jour de pardon de Saint-Carré, dans la chapelle où il avait recouvré la parole, des mains de M. Prigent, curé de Plouaret, qui rédigea une instruction à ce sujet".

(Arch. Côtes d'Armor, série T, enquête réalisée à la demande de Gaultier du Mottay).

A une certaine époque une kyrielle de mendiants et d'estropiés se pressaient autour du placitre, implorant la charité aux pélerins. A l'intérieur de la chapelle, l'on peut voir accrochés à l'une des poutres de la voûte, des chaînes et des fers qui selon la tradition ont une histoire bien émouvante. Histoire qui se passe aux environs de 1800 dans le village de "Pavé-Dir" (aux limites de Plounévez-Moëdec, Plouaret, Vieux-Marché). Un homme fut assassiné, un suspect arrêté, et alors qu'on n'avait jamais pu établir contre lui une seule preuve, condamné par la cour d'Assises de Saint-Brieuc, aux travaux forcés à perpuité. Dans une misère effroyable, le malheureux implore la "Vierge de Saint-Carré", en lui promettant que s'il revoit les siens, d'entreprendre pieds nus le pélerinage et d'offrir à la Vierge les chaînes et les fers qui lui meurtrissaient les chairs, jour et nuit. Le miracle eu lieu. Avant de mourir, un homme du pays reconnaît devant témoins, que c'est lui le coupable du meurtre pour lequel un innocent a été durement condamné. Le bagnard retrouve alors la liberté. Il accomplira son voeu et la chapelle en garde le témoignage.