Chapelle de Prat-Coulm

De temps immémorial, au creux du vallon, coule une source dans une prairie verdoyante. Elle était désignée du nom de saint Patron Koulm. Avant même l'érection de la chapelle, le pré existait, sous le nom de Prat-Kouloum : le pré de Colomban. Vers 1448, il y avait là, au moins, une métairie appartenant à la fille mineure d'Hervé Urgoez, principale baillée de Coustance de Kerourfil, comme cela apparaît dans l'enquête effectuée à cette époque sur l'ordre du duc de Bretagne. Au manoir de Dourduff vivait la famille de Derval. Dans ce manoir, on évoquait souvent la mémoire d'une mort tragique : celle du jeune duc Arthur de Bretagne.

Or, en 1203, l'année même du meurtre, Guillaume de Derval assistait,à Vannes, à l'assemblée des prélats et des barons. Le but était d'examiner les questions relatives au gouvernement du duché de Bretagne après la mort du "dauphin". Sans doute, le souvenir de ce drame était-il de nature à émouvoir les Bretons fidèles, et cela longtemps encore !

Les années passaient. Or, depuis ce tragique événement, on voyait souvent une colombe voltiger à Ploecolm, au-dessus d'une prairie, non loin du manoir de Dourduff. N'était-ce pas l'âme d'Arthur de Bretagne qui venait demander des prières

Evel eur goulmig venn...

Notre-Dame du Pré... Itron Varia ar Prat... Sant Koulm... Que d'associations d'idées !

En effet, la tradition populaire a idéalisé le mot Koulm qui signifie Colombe dans tous les dialectes bretons.

Pour apaiser l'âme d'Arthur de Bretagne, autant que par dévotion mariale, les seigneurs du Dourduff font édifier une chapelle. Celle-ci aurait été bâtie en 1496, par Yvon ar Coat, seigneur du Dourduff, dont le père, Johan ar C'hoat, figure dans la revue des nobles de 1488, à la trois sous ce nom et celui de Jehan Dourduff, pour son métayer exempt, de Bourret en Ploecolm.

La chapelle fut bientôt très fréquentée ; le seigneur du Dourduff, sieur de Derval, fondateur et prééminencier, en était le présentateurdu gouverneur. Son manoir proche était déjà couronné d'un bois magnifique. Dans le vallon, avant l'érection de la chapelle, peut-on admettre qu'une véritable colombe ait bien pu venir quelque jour d'un pigeonnier voisin ? Une autre a-t-elle survolé le campanile de la chapelle ? S'y est-elle posée, sous les yeux d'un seigneur ou d'une dame de Derval ? Il n'y a rien là contre, car il y a eu de nombreux manoirs à trois cheminées avec colombiers à Plougoulm. Et la blanche colombe planait au-dessus du campanile ; mais elle n'était visible qu'à minuit, pendant la nuit du pardon, où la chapelle restait ouverte aux pèlerins, et pour ceux seulement qui se trouvaient en état de grace spéciale. Pendant longtemps, une colombe était suspendue à l'intérieur de la chapelle. Elle figurait l'Esprit-Saint, pensez-vous ? Non, elle rappelait l'âme d'Arthur de Bretagne, demandant des prières dans ce vallon.

Et vers cette chapelle, historique et mystérieuse, les fidèles affluaient. Plusieurs titulaires s'y succédèrent :

en 1601 : Yves Abomnès ;

en 1649 : Jean Gouzillon, recteur de Plouvéon, évêché de Tréguier.

Le 1er octobre 1649 est passé un acte de location de trois champs, au terroir de Roc'h-Glas, en Trégor ; les revenus seront versés aux chapelains de Prat-Coulm et de Sainte-Anne. En 1676, c'est Francois-Marie Le Jacobin, étudiant au collège de Navarre ; il deviendra seigneur de Keramprat puis chanoine de Cornouaille.

De toutes les chapelles de Plougoulm, celle de Prat-Coulm a toujours été la plus fréquentée : on y venait même de loin. C'est ainsi qu'une femme de Vannes y vint en pèlerinage en 1676 : c'était Guillemette Liasse, épouse de Philippe Boisin. Elle mourut au cours de ce fatigant pèlerinage, au terme d'un long voyage. Sans nul doute, Notre-Dame de Prat-Coulm aura reçu le dernier soupir de celle qui était venue la vénérer de si loin, surtout à l'époque

Ce même jour, Louise Liasse mit son enfant au monde. Émue et lasse, elle avait suivi sa soeur Guillemette. A Prat-Coulm, la petite reçut le prénom de Marie.

En 1747, l'abbé de Larlan est chargé de la chapelle. En 1777, le présentateur est l'ordinaire (évêque de Léon) et le titulaire M. Corric, recteur de Plounéour-Trez. En 1786, c'est M. Le Goff, prêtre de Plouguerneau.

Pendant la Révolution, vendue comme bien national, elle devint la propriété de la famille Le Lubois de Marsilly, de Lorient. Les héritiers de la veuve du général baron Travot, de Paris, laquelle était une demoiselle de Marsilly, la cédèrent, avec ses dépendances, à la Fabrique de Plougoulm, moyennant la somme de 2 400 francs, plus trois messes par an et un service à la chapelle le 15 août de chaque année, aux intentions des deux familles. Mais la chapelle était presque en ruines. Une ordonnance du roi Louis-Philippe, le 30 juillet 1843, avait autorisé ce rachat et la reconstruction de la chapelle qui se fit la même année.

En 1850, un ouvrage manuscrit, écrit par le fils du préfet du Finistère, parle de "Notre-Dame de Prat-Coulm, chapelle à la fontaine miraculeuse, avec l'eau de laquelle on se frotte les veux". En effet, la chapelle a toujours été en grande vénération, non seulement à Plougoulm et aux environs, mais même en dehors du diocèse. Pendant plusieurs siècles, les papes l'ont enrichie de nombreuses indulgences. Elle a été restaurée par M. le Recteur Tanguy, qui y a fait placer des vitraux peints, signés Anglade et représentant diverses apparitions de la Vierge, avec textes en breton.

En 1856, Mgr Sergent ouvrit une enquête au sujet des chapelles consacrées à Marie dans le diocèse de Quimper et Léon. Evidemment, Prat-Coulm y est mentionné, et même des grâces extraordinaires obtenues par son intercession ; en voici quelques-unes :

- une Plougoulmoise, puisant de l'eau dans un puits très profond, tomba la tête en avant. Un réflexe lui fit crier vers la Vierge et, après quelques heures, elle put être repêchée, saine et sauvé ;

- une autre languissait depuis longtemps, d'une maladie incurable. Enfin elle demanda de portersurelle une image de la Vierge et peu à peu la santé lui revint ; l'année de l'enquête, elle portait vaillamment ses soixante ans ;

- un jeune homme de vingt-deux ans, second-maître de son navire, pendant un voyage à long cours, fut agressé par trois sauvages qui allaient le tuer. Une rapide invocation à la sainte Vierge et il parvint à se sauver. A peine remonté à bord, il écrivit à ses parents de faire célébrer une messe d'action de grâces à Prat-Coulm, ce qu'ils firent même plusieurs années de rang ;

- un incendie menaçait de dévaster une des plus belles fermes de la commune. L'écurie brûlait déjà et le vent soufflait vers la maison. Aussitôt, la patronne, qui avait une grande dévotion à Marie, promit une offrande à N.-D. de Prat-Coulm. Les vents changent et la maison est sauvée ;

- une mère et son bambin de trois ans se trouvant dans une grange, les murs se mirent à crouler. Instinctivement, la mère appelle à son secours N.-D. de Prat-Coulm et on les sort tous deux des décombres qui auraient pu les tuer ;

- enfin, de nombreux enfants qui ne peuvent marcher viennent avec leurs parents prier à la chapelle et à la fontaine de Prat-Coulm.

Pendant Iongtemps, il y a eu aussi à la chapelle une main en argent, attachée au bras de la Vierge. On dit qu'elle avait été offerte par un capitaine qui avait eu la main emportée dans un combat et qui, en se recommandant à Marie, avait été guéri miraculeusement. Cette main se trouvait à la chapelle Jusqu'à la Révolution ; actuellement, cette antique oeuvre d'art est précieusement conservée à la mairie.

Rendons aussi hommage à la municipalité qui entretient et restaure régulièrement la chapelle, désormais unique sur son territoire. Grâce à elle, se vérifie le cantique :

" Chapel Prat-Koulm, dre holl brudet,
Bet savet er pemzeg kantvet,
Diskaret hed an dispac'h bras,
Hirio 'zo ken kaer ha biskoas. "

(La chapelle de Prat-Coulm renommée à la ronde, édifiée au quinzième siècle, tombée en ruines pendant la Révolution, est aujourd'hui plus belle que jamais.)

Et ainsi, depuis cinq siècles, les fidèles descendent ce chemin pour prier Notre-Dame du Pré, Notre-Dame de la Colombe. Itron Maria Prat-Coulm y est vénérée sous le vocable de la Visitation, c'est pourquoi le pardon y est célébré le 2 juillet.

(Récit extrait de "Plougoulm et son histoire", de Cécile Grall)


(Photo Communauté de communes du Pays Léonard)