In memoriam !

A L'OCCASION DE LA POSE D'UNE PLAQUE COMMÉMORATIVE
DE LA MORT DU COMTE ARMAND DE CHATEAUBRIAND
DANS LA CHAPELLE DE SAINTE-BRIGIDE, EN NOTRE-DAME-DU-GUILDO

- 29 Juillet 1909 -

Ce pays a connu l'héroïque aventure;
Pas une pierre ici qui n'en fasse l'aveu.
Mais vous en maintiendrez la mémoire plus sûre
En confiant sa garde à la maison de Dieu.

Ce n'est pas de l'orgueil, ce n'est pas de la haine
Que vous commémorez par ce marbre pieux,
L'orgueil est trop futile et la haine est trop vaine
Pour ceux dont le grand nom rappelle tant d'aieux.

Vous savez oublier l'injustice et le crime,
Du haut de tant de gloire et de tant de bienfaits
Et vous voilez le deuil de plus d'une victime,
Pour ne pas réveiller l'écho des jours mauvais.

Votre sang qui teignit les bannières de France,
Sans reproche toujours vous en avez fait don,
Et quand il a coulé dans l'unique souffrance,
Ceux-là qui semaient l'or ont semé le pardon.

Comme l'illustre aïeul, captif en Terre sainte,
Vous avez le courage et la foi pour soutiens ;
Vous subissez l'épreuve et l'acceptez sans plainte,
Héritiers des Croisés, vous êtes des chrétiens.

Et ce fut un chrétien, digne de son ancêtre,
Le comte Armand, l'égal de ce Comte Geoffroy,
Puisque, sacrifiant sa vie, il voulut être
Breton, fidèle à Dieu, Français, fidèle au Roi.

Et c'est ici qu'il a prié. Cette chapelle,
Il en franchit le, seuil encor tout enfant,
Et le ciel était calme et la terre était belle,
Et rien ne menaçait l'ancien monde vivant.

Mais la terre a tremblé, le ciel est gros d'orage
La Révolution triomphe ! Les heureux
voient se lever partout la menace et l'outrage
La haine, sans merci, va se ruer sur eux,

Et la chapelle où cet enfant priait naguère
Avec des mots de joie et peut-être d'orgueil,
La chapelle bientôt entendra sa prière,
Où se mêlent des pleurs de révolte et de deuil.

Quand la F rance se jette aux bras vainqueurs du Corse,
Croyant trouver la paix dans sa nouvelle erreur,
Votre aïeul est soldat du droit contre la force
Et champion des Lys contre cet empereur.

Exil, proscription, c'est la lutte qu'il aime ;
Il oppose au malheur l'espoir toujours plus fort ;
Et la chapelle entend sa priére suprême,
Prière d'héroïsme et prière de mort ! ...

Qu'elle entende aujourd'hui votre prière triste,
Petits-fils et petits-neveux du comte Armand,
Cette prière, où rien d'hostile ne persiste,
Comme un encens très pur s'élève doucement :

C'est la prière à deux genoux sur ces pierres
De ses rêves d'enfance et de son dernier voeu
La plus vaillante et la plus sainte des prières,
Notre prière aussi : Pour la France et pour Dieu !

Louis TIERCELIN.