Chapelle Notre-Dame-du-Tertre

La chapelle Notre-Dame-du-Tertre, c'est Notre-Dame-des-Vertus, ou bien encore la "chapelle rouge", désignée ainsi en raison de la couleur domiantne de ses nombreux panneaux peints sur les plafonds.

Car son originalité provient sans aucun doute de ses peintures des voûtes lambrissées. J. Geslin de Bourgogne écrivait en 1849 qu'il s'agissait "d'une des plus grandes pages laissées par le 15e siècle non seulement à la Bretagne, mais à la France toute entière".

Les fidèles ne sachant guère lire, le prêtre se servait de ces dessins pour illustrer ses propos et pour raconter l'histoire du salut biblique.

Il y en a 138 ! Les peintures sont réparties en quatre cycles indépendants. Le premier, et le plus important, est celui du choeur (96 panneaux) où sont illustrés l'Ancien et le Nouveau Testaments. Dans la chapelle Sainte-Marguerite, trois vies de saints sont représentées: l'histoire de sainte Marguerite (18) et celle de saint Fiacre (18) occupent chacune une moitié de la voûte tandis que celle de sainte Marie-Madeleine (6) se déroule sur le tympan nord. Plus de 200 personnages sont illustrés. 

Si le sens de lecture des panneaux est aisé dans la chapelle Sainte -Marguerite, où ces derniers se lisent de gauche à droite et de haut en bas, celui du choeur s'avère plus compliqué. Les scènes se succèdent de gauche à droite en progressant des registres les plus hauts vers les plus bas et ce, en alternance de chaque côté de la ligne de faîte.

Les peintures furent restaurées une première fois en 1851-1852. De 1960 à 1964, une seconde campagne de restauration effectua des ébauches pour les parties manquantes des panneaux.

Retrouver le commanditaire de ces peintures s'avère, de par l'absence d'archives afférentes, plus difficile que de leur donner une datation. Cette dernière oscille entre 1450 et 1480, éliminant d'emblée l'hypothèse d'une commande de Marguerite de Clisson destituée de ses biens en 1420. L'homogénéité stylistique des différents cycles, où sont intervenus différents artistes travaillant certainement dans le cadre d'un seul atelier, ne permet pas de penser à un trop grand étalement dans le temps.

Chaque panneau s'inscrit dans un cadre en bois fictif composé de deux montants, aux bases polygonales, qui supportent une traverse continue.

Une scène correspond généralement à un panneau, parfois à deux, et dans le seul cas de l'Adoration des rois mages à trois.

Les compositions sont souvent très simples, valorisant dans la majorité des cas l'axe central. Ce dernier peut mettre en valeur un personnage placé au centre du panneau, tel Dieu le Père au panneau n° 2. L'axe central peut aussi, en divisant la surface picturale, mettre en valeur un personnage qui est dès lors placé seul sur la moitié droite du panneau tandis que ses interlocuteurs sont regroupés sur l'autre partie, Ainsi au panneau n° 50, la femme adultère, isolée, fait face au Christ au côté duquel sont des apôtres.

Chaque scène se déroule au devant d'un fond décoratif. Il s'agit soit de dessins complexes imitant ceux des tentures du 15e siècle, soit de la répétition d'un ou de plusieurs motifs. Seuls quelques panneaux présentent un paysage, plus ou moins élaboré.

Les personnages sont le plus souvent debout, occupant toute la hauteur du panneau. Leur expression est austère et les attitudes fréquemment figées. Les proportions de ces derniers ne sont pas toujours les mêmes.

Ces caractéristiques s'opposent à celles des personnages de la chapelle Sainte-Marguerite, plus élégante et aux proportions plus harmonieuses.

Une distinction doit être faite entre les vêtements du choeur, qui étaient portés essentiellement dans la seconde moitié du 14e siècle et durant la première moitié du siècle suivant, et ceux de la chapelle Sainte-Marguerite, lesquels sont typiques de la mode du dernier tiers du 15e siècle.

Dans le premier cas, les costumes les plus représentés sont des robes, parfois surmontées de pèlerines (ou complétées d'une draperie pour le Créateur et le Christ). Les manteaux sont souvent resserrés à la taille, et tombent à mi-jambes ou sur les pieds, dessinant dans certains cas de gros plis en reliefs. Certains sont doublés de fourrure, rembourrés aux épaules ou encore munis de manches pendantes. Certains costumes, comme les chaperons à crète ou à bourrelet, les chausses et les poulaines ont continué à être portés jusqu'à la fin du 15e siècle et se retrouvent dans les représentations de la chapelle Sainte-Marguerite.

Dans celle-ci, on relève notamment les pourpoints resserrés aux hanches, les hennins, les robes au corsage ajusté dont la ceinture est portée au-dessus de la taille.

Les peintures de Châtelaudren, par la simplification des compositions et de l'iconographie, présentent des qualités décoratives et narratives originales. Elles permettent de valoriser deux espaces distincts: celui de la liturgie dans le choeur et celui du pouvoir du seigneur avec la chapelle privative Sainte-Marguerite.

L'Ancien et le Nouveau Testaments

La voûte lambrissée du choeur illustre la Bible depuis la Création jusqu'à la Pentecôte. Deux registres sur les huit sont consacrés à l'Ancien Testament dont on n'a retenu que le livre de la Genèse et celui de l'Exode. Ce dernier n'est représenté que par un panneau: Dieu remet à Moïse les Tables de la Loi.

Quatre cycles sont développés: la Création, l'histoire d'Adam et Eve, son prolongement avec celle de Caïn et Abel et enfin l'histoire de Noé. Deux panneaux évoquent le reste du texte de la Genèse par la représentation de deux épisodes, celui du songe de Jacob et du sacrifice d'Abraham.

La transition avec le Nouveau Testament est assurée par la représentation des douze prophètes qui annoncent la venue de Jésus dont l'enfance et la vie publique se déroulent dans l'ordre traditionnel, jusqu'à son arrestation au Jardin des Oliviers.

La Passion du Christ est amplement développée. Le dernier registre illustre, après la Crucifixion et la Résurrection, les différentes apparitions du Sauveur et enfin son Ascension puis la Pentecôte. Les panneaux consacrés au Nouveau Testament s'arrêtent donc avec le récit des évangélistes.

La vie de sainte Marguerite

Sainte Marguerite, vierge et martyre de la fin du 3e siècle, dite aussi sainte Marina d'Antioche, est une des saintes les plus populaires et les plus représentées de la fin du Moyen Age.

Son père Edésius, prêtre païen, la chassa après qu'il l'eut confiée à une nourrice qui l'éleva dans la religion chrétienne à l'insu de sa famille. Olibrius, gouverneur d'Orient, s'éprit de la jeune fille devenue bergère, qui refusa ses avances. Dès lors, son amour se changea en haine et il lui fit subir une série de tourments qu'elle endura victorieusement.

Le diable lui-même vint dans la prison où elle avait été enfermée. Il avala la sainte qui creva son ventre au moyen d'une croix et grâce à la ferveur de ses prières. Il fallut, enfin, recourir au moyen qui permet le dénouement d'un grand nombre dé légendes dorées de saints et de saintes, le seul efficace contre les martyrs sur lesquels tous les autres ont été essayés, la décapitation.

La prière que fit la sainte juste avant son exécution, par laquelle elle demanda à Dieu de faciliter l'accouchement des femmes qui l'invoqueraient (ce qui fut mis en rapport avec sa sortie miraculeuse du ventre du dragon), est à l'origine d'une vénération fervente depuis le Moyen Age.

La vie de saint Fiacre

Ascète irlandais du 7e siècle, saint Fiacre fut extrêmement populaire. Venu en France rencontrer l'évêque de Meaux saint Faron afin d'obtenir un terrain pour y fonder un monastère, il obtint de l'ecclésiastique, à Breuil, toute la surface qu'il pourrait entourer d'un fossé en une journée.

Or, saint Fiacre n'eut qu'à traîner derrière lui un bâton pour qu'une tranchée se creuse miraculeusement. Ayant assisté à la scène et persuadée d'y voir l'oeuvre d'un possédé, la Becnaude, une femme du pays, le dénonça auprès de saint Faron qui ne tarda néanmoins pas à reconnaître son innocence.

Avant de s'étendre au reste de la France, le culte de saint Fiacre débuta à Saint-Fiacre-en-Brie, où l'on vint en pèlerinage. Le miracle du fossé et le fait que l'ermite avait planté un jardin dont les légumes magnifiques nourrissaient les pèlerins, expliquent sa représentation, une bêche à la main, et pourquoi il fut choisi comme saint patron des jardiniers.

Les peintures de Châtelaudren reprennent les principaux épisodes de la légende du saint. Seul le premier registre, avec ses cavaliers et ses scènes de combats, est difficilement interprétable car ses sujets ne sont pas mentionnés dans les sources écrites. Le plus probable est que l'on assiste aux luttes entre deu prétendants qui désiraient épouser la future mère du saint, le roi d'Hibernie finissant par évincer son rival.

La vie de sainte Madeleine

La légende de sainte Marie-Madeleine, pourtant plus riche que celle de sainte Marguerite et de saint Fiacre dans les textes hagiographiques, n'a qu'une surface limitée pour se développer. Il fallut la résumer en cinq panneaux, ce qui explique que l'on n'ait pas répété les scènes du choeur auxquelles participe la sainte.

Malgré la contrainte spatiale, le cycle constitue un ensemble homogène, c'est ainsi que la première et la dernière scène illustrent le début et la fin de la légende dorée de la sainte. Le second panneau n°est pas consacré à la rencontre du Christ ressuscité et de Marie-Madeleine, comme on pourrait le croire, mais sans doute le moment où, à la fin du repas chez Simon, le Christ absout la sainte de ses péchés. C'est donc tout naturellement que cet épisode forme un diptyque avec le premier panneau où elle mène sa vie de pécheresse.

La représentation suivante évoque, après la première entrevue entre la sainte et le Christ de la scène précédente, l'attachement de celle-ci à ce dernier jusqu'à la fin de sa vie terrestre, d'où la représentation de sa visite au tombeau où elle constate sa Résurrection.

Les deux scènes suivantes illustrent le voyage à Marseille où elle convainquit le couple princier de la ville, par le biais du discours puis du songe, de subvenir à ses besoins et à ceux de ses compagnons. Enfin, elle se retira du monde pour faire pénitence, dans la grotte de Sainte-Baume.

Pour plus de détails et l'illustration des panneaux, voir le fascicule "La chapelle Notre-Dame-du-Tertre à Châtelaudren", rédigé par Yann Jurez-Lancien et édité par la Mairie de Châtelaudren.