Chapelle Sainte-Anne

Nous sommes en 1623. Keranna est un petit village comme tant d'autres.

Au champ du Bocenno, on a longtemps vénéré sainte Anne. Mais en 1623, le sanctuaire n'existe plus.

Un soir d'août 1623, le laboureur fut réveillé par une lumière très vive. Nicolazic regarde et ne voit rien d'autre que cette lumière qui disparaît en ne laissant derrière elle qu'une main tenant un flambeau. Le flambeau disparaît à son tour. Nicolazic garde cette vision pour lui.

Un dimanche de septembre 1623, dans le champ du Bocenno, le cierge allumé brille de nouveau. Le vent souffle en rafales, mais la flamme reste droite.

Un soir, avec son beau-frère Pierre Le Roux, il va chercher ses bœufs; puis, il aperçoit - et son beau-frère en est témoin - une femme. Nicolazic veut fuir. mais il pense à ses bêtes! Et, lorsqu'il revient sur ses pas, la vision a disparu.

Le 25 juillet 1624, la femme apparaît encore une fois et lui dit: Na zoujet Erwann Nicolazic: me zo Anna, mamm da Vari (Ne craignez point Yves Nicolazic, je suis Anne, la mère de Marie).

"Dites à votre recteur que dans le champ du Bocenno il y a eu autrefois, avant même qu'il y eût un village ici, une chapelle dédiée à mon nom. C'était la première de tout le pays. Il y a 924 ans et six mois qu'elle a été ruinée. Je désire qu'elle soit rebâtie au plus tôt et que vous en preniez soin, parce que Dieu veut que j'y sois honorée..."

Comme Nicolazic ne rencontre que de fortes réticences, sainte Anne s'adresse de nouveau au paysan:

"Ne vous mettez pas en peine, mon bon Nicolazic: Je vous donnerai de quoi commencer l'ouvrage, et jamais rien ne manquera pour l'accomplir. Je vous assure que Dieu y étant bien servi, je fournirai abondamment ce qui sera nécessaire non seulement pour l'achever, mais aussi pour faire bien d'autres choses au grand étonnement de tout le monde."

Le recteur reste sourd aux prières de Nicolazic. Alors, celui-ci se dit qu'il lui faudrait un signe qu'il recevra dans la semaine du 3 au 8 mars 1625.

Guidé par le flambeau, Nicolazic s'en va chercher son beau-frère, sa femme Guillemette, ses voisins, et commande à tout ce monde de le suivre jusqu'au Bocenno. Là, le flambeau ayant disparu comme aspiré par la terre, le bonhomme demande de creuser et découvre une statue polychrome vieille de neuf cents ans.

Le 25 juillet 1625, Mgr de Rosmadec permit la pose de la première pierre du sanctuaire et le lendemain, en la fête de la sainte Mère de la Vierge Marie, il autorisa le clergé de célébrer la messe à l'endroit même où la statue avait été découverte.

La réputation de Saine-Anne-d'Auray se propage très loin. On vient prier ici de toute la France, et même au nom de la reine Anne d'Autriche, afin qu'elle donnât un dauphin à son époux le roi Louis XIII. Même les négateurs affluent de partout pour attiser leur plaisir de raillerie.

Parmi eux il y a Pierre Le Gouvello de Kériolet, un gentilhomme de Kerlois, connu pour un train de vie loin d'être vertueux: la chronique veut qu'il ait volé son père pour échapper à la potence, qu'il ait été duelliste alors que le cardinal de Richelieu punissait de mort tout gentilhomme ayant tiré l'épée pour se faire justice; on le disait encore adultère, homme de ripaille et de dévergondage. Mais il se convertit pendant son absence et revint au pays, transformant son château de Kerlois en un hôpital et recueillant les malades, les infirmes qui se rendaient à Sainte-Anne implorer la mère de la Vierge.

La chapelle fut bénite le 4 juillet 1628 par Mgr de Rosmadec de Vannes.

Les premiers pèlerins furent les habitants de Riantec. Leur pèlerinage fut suivi de celui de Saint-Gildas-de-Rhuys. Le 8 août 1629, les habitants du Croisic " s'embarquèrent en corps " et chantèrent Damb de Santez Anna, Allons à Sainte-Anne.

Le 1er juillet 1639 fut transférée la relique de la sainte, offerte par Louis XIII, et, vingt ans plus tard, le roi, par lettres patentes, anoblit "ledit lieu et monastère...".

Au cours de la Révolution, l'image miraculeuse sera brûlée partiellement. Sous la Terreur, on y vient prier de nuit en prenant beaucoup de risques.

Des miracles se produisent. Un infirme de Hennebont repart guéri.

Le 7 juillet 1673, pendant la guerre contre la Hollande, quarante deux marins d'Arzon sont sauvés par sainte Anne après un combat naval.

Un poète anonyme en composa une complainte (Gwerz):

Ce fut de juin le septième
Mil six cent septante et trois
Que le combat fut extrême
De nous et des Hollandois.
Les boulets comme la grêle
Passaient parmi nos vaisseaux
Brisant mâts, cordages, voile
Et mettant tout en lambeaux.
La merveille est toute sûre
Que pas un homme d'Arzon
Ne reçut la moindre injure
De mousquet ni de canon...

La chapelle de Nicolazic a été remplacée par un sanctuaire plus grand construit entre 1868 et 1872 et consacré le 8 août 1877.

L'autre grand lieu de célébration de sainte Anne est Sainte-Anne-la-Palud en Plonévez-Porzay.

Le culte de sainte Anne (le nom de la mère de Marie n'est nullement mentionné dans les Ecritures) semblerait se rapprocher de l'ancien culte celte de Ana, "mère des dieux d'Irlande".