Chapelle de Port-Stablon

Cette chapelle, disparue, est décrite dans l'ouvrage de l'abbé Auffret, La Ville-ès-Nonais. voici ce qu'il écrit.

"Le premier monastère établi dans les Sablons fut celui des Chevaliers-Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem. Au milieu du XIe siècle, les Bénédictins de Sainte-Marie-la-Latine, à Jérusalem, créèrent une société de Servants pour s'occuper des malades et des pèlerins dans un hôpital dédié à Saint Jean. Peu après, afin de protéger les pèlerins et les malades, ils devinrent un ordre militaire, indépendant des Bénédictins. Ils s'appelèrent d'abord Frères Hospitaliers de Salint-Jean-de-Jérusalem, puis Ordre de Rhodes et Chevaliers de Malte. Les Frères Hospitaliers se répandirent rapidement en Europe et spécialement en Bretagne, incités par les princes et seigneurs bretons qui allaient nombreux aux Croisades.

Vers l'an 1100, ils construisirent un hôpital sur les bords de la Rance, près du petit port appelé alors Port-Stablon. Leur but était de venir en aide aux voyageurs qui avaient besoin de traverser la rivière. A cette époque, les malades (même lépreux et pestiférés), les pauvres, les mendiants, les pèlerins abondaient. Il y avait aussi des brigands qui détroussaient voyageurs et pèlerins. Les Chevaliers-Hospitaliers, aussi habiles et courageux dans l'art de la médecine que dans celui de la guerre, rendaient alors de précieux services dans ces parages fréquentés. La possession de leurs biens fut solennellement confirmée par Conan IV en 1160. Ces biens étaient déjà importants : " Es environs de la chapelle il y a masse et emplacement de fuie et colombier,... plusieurs tenues d'héritage, sur lesquelles sont deues plusieurs rentes tant par argent, bled que poulailles. " La juridiction seigneuriale de Port-Stablon s'étendait assez loin, " es paroisses de Hillion, Planguenoual, Hénon, Saint-Aaron, Plaine-Haute, Pleslin, Plaintel, Plouer, Taden, Pléneuf, Caulnes, Pleudihen et Evran, es quels lieux... sont deues, sur nombre de villages, quelques rentes, avec droits de lods et ventes; et les hommes qui y sont estagers... dépendent de la juridiction de Saint-Jean-d'Establéhon ". Il existait aussi " des droits sur deux maisons situées à Dinan près l'Hostel-Dieu et dépendant de la juridiction de Port-Stablon ". On apprend également qu'il fut vendu, en 1244, à l'abbaye de Saint-Aubin-des-Bois, " un hébergement et une vigne situés à l'Hospital de Port-Stablon ".

C'est devant le commandeur, ou devant le sergent de la Juridiction, qu'étaient déposés les déclarations et jugements des sujets dépendant de la juridiction des Chevaliers, comme l'indique, entre beaucoup d'autres, la déclaration signée par Hélène Bourdelais le 22 juin 1712, " laquelle Bourdelais Hélène déclare être subgette estagée traitible justiciable et obéissante de Haut et Puissant Seigneur Messire François Couprie, Chevalier Seigneur de Domarueil, Servant d'armes et ordre de saint Jean de Jérusalem, Commandeur... et Membre du Port d'Establéhon en dépendant... " Même constatation clans le procès intenté en 1661 par Etienne Langevin contre Bertrand Billi pour nonpaiement de la jouissance d'une maison, d'un champ, d'un douaire : " Le sieur Billi estant refusant de payer... Moy soulz signé sergent de la présente Juridiction de saint Jean du Port dEstabléhon j'ai instant le dit Langevin... "

En 1252, le grand maître des Chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem était Guillaume de Châteauneuf. La commanderie de Saint-Jean-de-Port-Stablon dépendait au début de celle de Carentoir, évêché de Vannes; ensuite de celle de Quessoy, évêché de Saint-Brieuc. La chapelle, rebâtie en 1574, munie " d'une cloche de moyenne grosseur ", était dédiée à Saint Jean-Baptiste. Par la suite, le village perdit peu à peu sa dénomination de Port-Stablon et prit le nom de Port-Saint-Jean. A la fin du XVIIe siècle, la commanderie de Port-Stablon perdit un peu de son importance. Les droits sur la chapelle passèrent aux habitants. En 1663, Alain Chouesmel, sieur de Vauboeuf, y fonda par testament une chapellenie en l'honneur de Saint Jean. La présentation des desservants fut réservée à sa famille. Le premier fut Gabriel Chouamin. En 1710 le chapelain était Gabriel Perrinet. Un autre Gabriel Chouamin lui succéda. Décédé en 1741, il fut remplacé par François Jamet. Jacques Aubrée remplit ce poste de 1744 à 1759. En 1766, Jacques Jamet y fut pourvu. A sa mort, Landal Grand-Maison desservit la chapelle du Port et celle de Vauboeuf jusqu'à la Révolution.

Nous apprenons par les lettres de collation que le chapelain était " tenu de dire la messe tous les dimanches et festes en la chapelle du Port-Saint-Jean-de-Stablon et d'y faire le cathéchisme à la suite du Saint Sacrifice ".

Françoise Gruel, demoiselle de Vauboeuf, épousa dans cette chapelle, le 20 juillet 1761, Jean-Jacques Broussais, sieur du Verger en la ville de Dinan. Mathurin Olivier y avait épousé, le 30 novembre 1623, Françoise Le Comte, fille de Gabriel et de Bertranne de La Jonchée.

Vers 1768, un violent incendie éclata au Port-Saint-Jean-d'Etabléhon, un dimanche matin. Tous les habitants étaient à la messe à Saint-Suliac. Une femme seule gardait les enfants. Tout le village brûla, y compris la chapelle sans desservant à ce moment. A l'instant où le feu allait atteindre la demeure des Chevaliers de Malte, dans la rue conduisant de la chapelle au manoir de Vauboeuf, le vent tourna et la maison fut épargnée. On attribua cette protection à la présence de la statue de Sainte Anne, alors placée dans cette maison.

Peu après sa restauration, la chapelle fut à nouveau saccagée par les bandes révolutionnaires de Miniac. Vu son délabrement et la pénurie de prêtres après la tourmente, elle fut désaffectée et vendue en 1813 après autorisation épiscopale.

Ainsi disparut de Port-Stablon l'action des Chevaliers-Hospitaliers qui s'y était exercée pendant près de six siècles. Quelques précieux vestiges subsistent encore. Ils ont été groupés en 1956 afin d'être plus sûrement conservés : la croix de granit, un des bénitiers de la chapelle dans lequel repose le pied de la croix, la statue de Sainte Anne qui préserva du feu la demeure des Chevaliers de Malte, le linteau de la porte de la maison où s'exerçait la juridiction des Chevaliers, portant l'inscription : 1684 R. Gichar et la croix de Malte.

Dans la rue de l'Hôpital, un linteau porte la date 1649 et le monogramme du Christ. Dans la rue prenant son embranchement à droite du calvaire, se trouve la maison des Chapelains, appelée encore le Presbytère. Elle date de 1620. Le manteau de sa cheminée porte le monogramme du Christ.

Il existait aussi une statue en bois de Saint Jean, " vénérable effigie, dans son costume traditionnel et d'une peinture assez fine, dans la pose accoutumée, les cheveux bien bouclés, d'un physique agréable, et comme sculpture d'une parfaite exécution. " Trouverons-nous un jour cette précieuse relique, cachée à Vauboeuf pendant la Révolution, et que nous avons suivie dans ses pérégrinations jusques... à Bordeaux!

A part ces témoignages oculaires, le nom seul de leur patron, Saint Jean-Baptiste, demeure en ces lieux, rappelant encore vaguement la charité première de ces moines-guerriers fondateurs d'hôpitaux, et si terribles en même temps sur les champs de bataille en Palestine, à Rhodes et à Malte."

Source : Abbé Auffret, La Ville-ès-Nonais, 1957.