Chapelle Saint-Michel
La chapelle est
construite sur la
colline qu'on appelle le Mont Saint-Michel de Brasparts. Et longtemps,
le mont fut
considéré comme le point culminant de toute la Bretagne. Seulement, on
avait mesuré
jusqu'à la pointe du clocher de la chapelle ! Et c'est ainsi que les
géographes
choisirent le lieu voisin de Tuchen Kador, haut de 384 mètres.
Donnons la parole à Gustave Geffroy («
La
Bretagne », 1905) :
« Je monte à la chapelle Saint-Michel, qui est une petite
bâtisse fort
ordinaire. Mais ce qui n'est pas ordinaire, c'est le paysage qui
l'entoure, et le paysage
que l'on aperçoit. Sur le monticule, pas un arbrisseau, rien que des
bruyères sèches,
égrenant leurs dernières fleurs rouillées parmi les pierres. C'est
désolé, c'est
affreux, et c'est un des plus beaux et des plus grands spectacles de
nature qui se puisse
contempler; car voici, sous les regards, toute l'étendue, en un seul
tableau d'une unité
grandiose, tout le panorama des montagne Noires et des montagnes
d'Arrée. Quand le temps
est clair, on aperçoit les clochers de Saint-Pol-de-Léon au nord, le
clocher de Carhaix
à l'Est, et même, dit-on, à l'ouest, la rade de Brest et la pointe
Saint-Mathieu. [...]
« J'aime et j'admire ce paysage désolé des monts d'Arrée,
ces
ondulations basses qui courent en si belles et si tristes lignes sous
le ciel de Bretagne,
ces pointes méchantes des rochers, ce marais sinistre qui parle de
l'éternité et de la
fatalité des choses, du lent travail de pourrissement de recommencement
de l'humble
végétal, et puis, au delà de cette mélancolie presque inexprimable du
cirque d'Arrée,
désolant et âpre refuge pour l'esprit blessé par la vie, au delà, ces
verdures, ces
villages devinés aux clochers, aux champs cultivés, tout ce qui annonce
l'effort de
l'homme et promet un peu de sécurité et de douceur. »
Cette chapelle fut fondée par le
seigneur de Kermabon, en 1672, sous le titre de Saint Michel de la
Motte Cronon.
En 1673, la chapelle était terminée,
mais il semble que saint Michel était déjà honoré en ce lieu et
manifestait sa protection par des faveurs assez sensibles pour
nécessiter les formalités d'une enquête juridique et l'obtention
d'indulgences de Rome pour les pèlerins.
En 1806, le recteur constate avec
tristesse que la chapelle Saint-Michel est toujours en grande dévotion,
mais en ruine, il n'y a plus que des pierres, que l'on songe à utiliser
pour réparer les autres chapelles moins éprouvées ; mais la piété
des paroissiens pour cet oratoire vénéré, au lieu d'en disperser les
restes préféra les restaurer et, vers 1817, M. Abgrall, recteur de
Brasparts, commença les démarches pour mener ce projet à bonne
fin ; mais ayant été nommé curé de Pleyben sur les entrefaites, la
municipalité de Brasparts elle-même s'adressa à Monseigneur pour
obtenir l'autorisation de relever de ses ruines l'oratoire du mont
Saint-Michel :
« Braspars, le 23 Mai 1820.
MONSEIGNEUR, Il y a environ deux ou trois ans que mon prédécesseur
parla à M. Abgrall, alors demeurant à Brasparts, du rétablissement de
la chapelle Saint-Michel, en grande vénération dans cette commune et
dans les communes voisines. M. Abgrall dut vous écrire dans le temps,
pour obtenir de vous l'autorisation de rétablir cette chapelle ;
votre réponse dut être favorable aux voeux des habitants, autant toute
fois que les temps deviendraient meilleurs qu'ils n'étaient alors. Le
désir de voir rétablir cette chapelle n'ayant fait qu'augmenter depuis,
mon Conseil, animé du même zèle, se réunit dans le mois de Novembre
dernier, pour demander à M. le Préfet l'autorisation de faire une quête
dans la commune pour cet objet et d'appeler à notre secours les
communes voisines qui voudraient volontairement contribuer à cette
réédification. M. le Préfet, après avoir pris l'avis des différentes
communes, nous accorda notre demande sur l'avis de M. le Sous-Préfet du
25 Mars dernier. Mon Conseil voulant profiter de la bonne volonté du
public, prit de suite ses mesures pour faire faire partout les quêtes
autorisées, il s'est aussi mis en mesure de relever la chapelle et a
fixé l'adjudication de la maçonnerie à dimanche prochain 28 du courant.
Je dois vous observer que toutes ces opérations se sont faites sans
l'intervention de notre respectable pasteur qui était à la mission de
Crozon pendant que nous nous occupions de ce travail. Aussitôt son
retour, je me suis empressé de lui faire part de tout ce que nous
avions déjà fait ; il m'a observé que nous avions omis de vous demander
votre autorisation, sans laquelle la chapelle que nous allions
construire ne serait qu'un édifice comme un autre. C'est pour réparer
cette erreur, que j'ai l'honneur, au nom de mes administrés, au nom de
toutes les âmes charitables qui voudront contribuer à la réédification
de la chapelle Saint-Michel, de prier Sa Grandeur de vouloir bien nous
accorder l'autorisation de rétablir cet édifice en chapelle de dévotion
avec tous les privilèges qu'il lui plaira y attacher. J'ai l'honneur
d'être de Sa Grandeur le plus respectueux et le plus dévoué serviteur.
Le Guillou, maire ».
Au mois de juillet de l'année
suivante, M. Le Bléas, recteur, demandait à Monseigneur l'autorisation
de bénir la chapelle Saint-Michel relevée de ses ruines. En 1836,
lorsque l'ancienne trève de Saint-Rivoal fut érigée en paroisse, il fut
absolument spécifié que la chapelle Saint-Michel qui, par sa situation,
semblait appartenir à Saint-Rivoal, demeurerait attachée à Brasparts,
et c'est vers cette époque, 1835, que les paroissiens de Brasparts
élevèrent autour de la chapelle, pour la protéger contre le vent, ces
sortes de remparts de pierres amoncelées qu'on y voit encore vers 1903.
Quant à la petite maison qui sert d'abri près de la chapelle, elle fut
élevée en 1842 par les soins de M. Léon, recteur. Les dernières
restaurations de la chapelle ont été exécutées par les soins de M.
Duclos, recteur, sous la direction de M. l'abbé Abgrall, et grâce à la
généreuse initiative de Mgr Lamarche, en 1892.
Saint-Michel est particulièrement
invoqué pour obtenir du beau temps pendant la récolte ; on le prie
aussi pour les malades ; on voit assez souvent les pèlerins faire
le tour de la chapelle à l'intérieur, nu-pieds (M. Abgrall, 1903).
Source :
Histoire, patrimoine et noblesse