Chapelle Notre-Dame-de-Port-Blanc

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(Photo: Médiathèque de l'architecture et du patrimoine)

Extrait de : "Les églises fortifiées du littoral breton", C. Maupas, T. Hourlier, Edition de la Plomée, 1998:

Dès le XIIe siècle, l'actuelle sacristie sert de postes de surveillance ou plus précisément de tour de guet militaire. Nous la trouvons ainsi mentionnée dans le récit de Jean Levran lorsque Pierre Mauclerc, duc de Bretagne, en guerre contre la France, demande de l'aide à l'Angleterre (1230). " Partant à la conquête du continent, la flotte anglaise cingla vers la côte bretonne. On se divisa en deux groupes, tandis que la majeure partie des navires gagnaient le havre de Saint-Gildas, petit port avec sa tour forte située près de Penvenan entre Lannion et Tréguier " (N. Charteau, Histoire de Penvenan, Port-blanc, Buguélès, St-Brieuc, les Presses Bretonnes, 1971).

La fin du XIVe siècle apporte les premières modifications au monument. L'adjonction d'un oratoire au sud transforme la tour en annexe du nouveau sanctuaire. Son rôle militaire ne disparaît pas pour autant. En 1472, " Yves Quintin, habitant de Guingamp, est chargé de s'y rendre à cheval afin de prendre connaissance auprès des milices garde-côtes de la présence d'une flotte française qu'on dit s'y trouver ". En 1492, " Bertrand d'Acigné, seigneur de la Roche-Jagu, chargé de la défense de Port-Blanc où les Anglais sont débarqués, réclame du secours à la ville de Guingamp ". Les Anglais rembarquer d'ailleurs sans livrer combat ; ce qui donne naissance à la célèbre gwerz de " Madame Mariede Port-Blanc qui fait des soldats avec des fougères pour empêcher les Anglois de débarquer [...] Et quand furent repartis les Anglais, le coeur des Bretons fut réjoui [...] Ils édifièrent une église neuve et achetèrent une couronne des plus belles pour Madame Marie de Port-Blanc " (A. le Braz, Vieilles chapelles de Bretagne).

Au début du XVIe siècle, on agrandit la chapelle vers l'est par l'adjonction d'un choeur avec bas-côté, dédié à Notre-Dame de Port-Blanc.

Notre-Dame ne trouve réellement son repos qu'à partir de 1720. Divers aménagements sont entreprises. On édifie les deux portails de l'enclos et l'escalier de granit descendant jusqu'à la mer. Ce dernier est classé monument historique en 1936 et l'édifice le 28 août 1908.

En décembre 1932, la chapelle devient église paroissiale. C'est alors que le Recteur G. Guyonai, assisté de Jean Savina, décide de restaurer le mobilier. Une nouvelle toiture d'ardoises remplace l'ancienne très défectueuse, en 1972.

Laissons le soin à Anatole Le Braz (Pâques d'Islande) de décrire la chapelle de Port-Blanc:

Il n'y a pas de chapelle bretonne qui réalise mieux que celle de Port-Blanc le type du sanctuaire marin.

Elle est bâtie au fond de l'anse, à mipente de la colline, sur une sorte de palier auquel on accède par une soixantaine de gradins, creusés à même le granit, qui affleure ici de toutes parts à travers la maigre écorce du sol. En bas est la fontaine sacrée, avec son antique margelle aux trois quarts usée par une dévotion séculaire. Nul ne manque de faire ses ablutions avant de monter la fruste scala santa où, les jours de pardon, les pèlerins ont coutume de se trainer à genoux. En haut, vous franchissez un échalier de pierre et vous pénétrez dans un enclos nu, tapissé d'un gazon lépreux. Le mur d'enceinte, effondré par Places, a désormais pour unique destination d'abriter les moutons égarés qui y viennent chercher un refuge contre le vent, ou de fournir une zone d'ombre aux fillettes du hameau qui s'y réunissent pour jouer aux osselets, entre deux classes. Aucune végétation arborescente n'y saurait pousser.

Même la fougère, cette dernière et fidèle amie des terres déshéritées, n'a pu trouver à prendre racine en ce site ingrat. Jadis pourtant elle s'y épanouissait à foison, s'il faut en croire la tradition locale, et voici dans quelles circonstances miraculeuses elle disparut:

“ Sept navires, dit une vieille chanson, sept navires, voguant de conserve, quittèrent le port de Londres pour faire voile vers la basse Bretagne, dans le dessein d'y débarquer et d'y mettre le peuple à mort. “

Mais Notre-Dame Marie du Port-Blanc a sa maison sur la hauteur. Elle a vu, de loin, les Anglais: elle ne laissera pas mourir son peuple.

“ Il y a de la fougère autour de sa chapelle, et avec cette fougère elle fait des soldats pour empêcher l'Anglais de descendre, et elle lance vers le Port-Blanc cent mille hommes armés, sinon plus... ”

Devant des forces aussi imposantes, les pirates n'eurent d'autre ressource que de s'enfuir. Quant aux fougères changées en soldats, la complainte ne dit pas ce qu'elles devinrent ni si elles reprirent l'ancienne forme. En tout cas, elles n'ont pas fait souche dans la région. La chapelle occupe l'angle septentrional de l'enclos.

C'est un vieil édifice de la fin du 15e ou du commencement du 16e. Elle se rencogne, se tapit, se terre presque, ainsi qu'une bête peureuse qui tremble d'être battue: elle en a tant essuyé, de bourrasques et de coups de vent! Sa pauvre échine d'ardoise en est toute gondolée, toute meurtrie. Les murs, tassés lourdement, s'élèvent d'un mètre à peine au-dessus du sol; ils ont des tons de roche brute, sont hérissés de lichens, de mousses grisâtres, et les ruisselantes pluies d'hiver y ont sculpté des vermiculures, des dessins étranges, d'extravagants hiéroglyphes. N'y cherchez point trace d'autres ornements, si ce n'est dans le porche et dans la fenêtres à rosace du chevet.

Mais l'intérieur surtout est saisissant: un jour sombre, l'humidité d'une cave; pour pavé, une mosaïque de galets; d'énormes piliers massifs, des voûtes surbaissées, comme dans une crypte, des statues barbares de saints, à demi rongées, pareilles à de très antiques idoles; çà et là des ex-voto singuliers: une touffe de varech, par exemple, arrachée de quelque récif et à laquelle se cramponna, sans doute, quelque naufragé en détresse. Tel quel, dans son délabrement et sa vétusté, les pêcheurs chérissent leur sanctuaire. Et, s'ils le laissent en aussi piteux état, ce n'est point par incurie, mais, au contraire, par scrupule. Ils croiraient commettre un sacrilège en touchant à la “ maison de la sainte ”, fût-ce pour l'embellir “ Voyez saint Gonéry de Plougrescant, vous diront-ils: depuis qu'on lui a construit une église neuve, il est de mauvaise humeur et ne fait plus de miracles. Mieux entretenue, notre chapelle plairait moins à celle qui l'habite. ”

Celle qui l'habite, c'est Notre-Dame Marie du Port-Blanc - cousine de Notre-Dame Marie de la Clarté, dont le sanctuaire fait face au sien, au sommet d'un morne parallèle, par-delà le pays de Perros, et à qui elle va chaque année rendre visite, par mer, la veille de son -pardon. C'est une Vierge puissante, propice aux marins, secourable à leurs femmes, protectrice de ceux qui restent et de ceux qui s'en vont. Elle se dresse dans le choeur, au-dessus du maître-autel, une main appuyée à l'ancre de salut, l'autre tendue, la paume ouverte, pour conjurer le péril des eaux; et elle trône là, dans l'ombre, en sa longue robe de mousseline empesée, la tête ceinte d'une tiare d'or.

Il ne manque pas, sur cette côte, de vieux ou de jeunes mécréa les uns préfèrent la messe de l'aubergiste à celle du recteur, sous prétexte, les uns que le sermon est trop ennuyeux, les autres que le bourg est trop loin. Mais à ceux-là mêmes, leur premier soin, le dimanche, après s'être débarbouillés à l'auge du puits, est de monter, isolés ou par groupes, les marches qui conduisent à la chapelle. Ils ont prélevé deux sous - le prix d'une chopine - sur leur prêt de semaine, pour offrir à Notre-Dame une votive chandelle de suif. Et, tandis qu'elle grésille et flambe, en compagnie de vingt autres, dans le brûle-cierges tout maculé de larmes de graisse, ils font bien dévotement leur prière à l'Étoile des mers, à la Madone blanche et enrubannée, immobile depuis des siècles derrière le jubé qui ferme le choeur. "

Le Braz a noté une légende racontée par Marie-Hyacinthe Toulouzan, de Port-Blanc, qui met en scène une princesse nommée la Princesse rouge. Selon la légende, de nombreuses messes noires auraient été célébrées dans la chapelle Notre-Dame de Port-Blanc. Voici l'histoire.

Le Pardon de Notre-Dame de Port-Blanc

Il a lieu le 8 septembre. Entre 400 et 500 personnes y assistent. La couleur bleue domine; c'est la couleur de Marie. Des hortensias bleus décorent un filet de pêche. La croix bleue des marins ouvre la procession. Quatre petits garçons de huit ans, habillés en marins, se relaient pour porter une goëlette en souvenir de la grande pêche d'Islande. Des fillettes portent une petite Vierge dorée, d'autres l'escortent en tenant des rubans bleus. La statue de Notre-Dame est portée par deux marins pêcheurs.

Durant la procession, on chante des chants dédiés à la Vierge Marie, ainsi que des chants bretons et on se rend au port. On dépose une gerbe à la mer en souvenir des personnes disparues durant l'année écoulée. On demande que la pêche soit bonne et la protection des marins.

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