Chapelle Saint-Sébastien  

Sebastien1.jpg (7860 Byte)Unique vestige de l'immense domaine occupé par les moines-jacobins à partir du 13e siècle, la chapelle Saint-Sébastien, sans doute appelée chapelle Sainte-Marguerite depuis le 18e siècle, a survécu au démantèlement du couvent à la Révolution. Elle a également su toucher le cœur de ses contemporains, qui ont évité sa destruction et l'ont fait revivre, à leur façon, durant le 20e siècle.

Historique du lieu saint
La redécouverte de la chapelle des Jacobins
La renaissance de la chapelle Saint-Sébastien

Historique du lieu saint

La chapelle Saint-Sébastien dépendait autrefois du couvent des Jacobins (dominicains) de Dinan. On la bâtit contre une façade de l'église Saint-Jacques, sanctuaire appartenant également au domaine des Jacobins, au nord-ouest. Ce domaine, qui recouvrait plus de trois hectares donnait sur les rues de la Cordouannerie (actuelle rue de l'Horloge) et de Léhon. Le porche d'entrée de la chapelle Saint-Sébastien s'ouvrait sur la première rue.

Outre la porte précédant celle du Jerzual à Dinan (aujourd'hui détruite) dédiée à saint Sébastien, saint patron des archers et des arbalétriers (martyrisé en 288), des religieux dinannais, moines jacobins, voulurent, aussi, placer leur chapelle sous ce patronage. Car, à cette époque, les saints protecteurs et guérisseurs sont invoqués fréquemment dans les sanctuaires tenus par les mendiants.

L'hypothèse d'une construction au 15e siècle n'est pas à écarter. " Les épidémies de peste qui ont affecté la Bretagne au 15e siècle ont favorisé la vogue des saints antipesteux. Les mendiants ont su satisfaire, ou susciter, ces nouvelles tendances de la dévotion. " En effet, ils rendirent un culte à chacun des quatre saints protecteurs : saint Sébastien, saint Autoille, saint Roch et saint Adrien. Ainsi, le premier est vénéré dès le 15e siècle chez les Jacobins de Dinan.

On ne connaît pas la date exacte de construction, mais certains documents nous aident à établir le moment où cet édifice a été réalisé. En effet, ce dernier n'existait pas lors de la fondation du couvant les années 1220. Toutefois, une charte du 14 décembre 1429 fait mention de cette chapelle et permet d'envisager sa construction durant la période intermédiaire à ces dates. Les restes du bâtiment rendent difficile une datation rigoureuse.

Plus tard, le 17 septembre 1487, un certain Jehan de Buat et de la Fosse-aux-Loups, par son testament, est à l'origine des " fondation et dotation de un enfeu et sépulture -C prohibistive dans l'église et couvent des Jacobins et frères prêcheurs de cette ville de Dinan, en la chapelle Saint-Sébastien, hors le grand de ladite église des Jacobins ". Son successeur, François de La Boixière de Buat, n'attache que peu d'intérêt à la chapelle dont la toiture se détériore ; de plus, il ne verse pas " la rente (1 mine de froment) léguée par Jehan du Buat ".

Au 18e siècle, plus précisément en 1762, on apprend que cette chapelle fut également dédiée à sainte Marguerite (Luigi Odorici la mentionne brièvement dans son ouvrage " Recherches sur Dinan et ses environs "). En effet, un autre document (M.-E. Monier, Dinan, ville d'art, Rennes, Imprimerie bretonne) apporte quelques renseignements supplémentaires : " L'onzièsme, nous avons inhumé dans notre simitière, à vis la grande porte de la chapelle des soeurs de notre tiers ordre le corps de Marie Magdeleine Sival soeur du dit tiers Ordre. A Dinan ce 11 juin mil sept cent soixante deux. ".

Cela permet de comprendre deux choses : le cimetière des Jacobins se trouvait entre l'église (la chapelle lui était adossée au nord-ouest) et la rue de l'Horloge, et la chapelle fut attribuée aux tertiaires de Saint-Dominique dont sainte Marguerite de Savoie était une des soeurs. Ce qui peut expliquer le choix de cette consécration. Jusqu'au 20e siècle, la chapelle portera cette dédicace, y compris pendant les deux mandats de Michel Gelstdoërfer et plus tard encore. Ce sont les années 1960 qui feront un lieu oublier cette appellation en raison de sa réhabilitation.

Mais avant de vivre tous ces événements, la chapelle Saint-Sébastien fut une chapelle funéraire. Elle accueillit trois sépultures (trois enfeus). Les autres chapelles de l'église-nécropole Saint-Jacques abritaient, tout comme celle-ci, " les autels des confréries, des enfeus, des tombeaux élevés ou de simples dalles gravées ". Un document du 18e siècle mentionne la présence de quarante-deux enfeus totalisés dans cette église (12).

Lorsque nous pénétrons dans la chapelle aujourd'hui, on ne peut se rendre compte véritablement de son aspect originel. Même si la forme générale est restée identique, les différents aménagements, restaurations et la dégradation naturelle du temps ont, quelque peu, modifié les éléments architecturaux propres à la chapelle du 15e siècle.

L'analyse de plusieurs éléments relatifs à la chapelle est possible, grâce aux documents recueillis par François Aubry pour son article " La chapelle Saint-Sébastien à Dinan " (Le Pays de Dinan, 1992), dans lequel est paru, pour la première fois, un plan-maquette de l'édifice religieux appartenant à la famille Joüon des Longrais.

Dans les années 1930, le député-rnaire Michel Geistdërfer redécouvre cette chapelle oubliée et lui choisit une fonction nouvelle.

La redécouverte de la chapelle des Jacobins

Depuis sa fondation, sans doute entre le 13e et le 15e siècle, la chapelle Saint-Sébastien a changé de propriétaire au fil des siècles. Le couvent primitif fut établi soit par Alain de Lanvallay, soit par la famille de Coëtquen pour des moines dominicains dits Jacobins, à Dinan. Qaant à la chapelle, elle profita certainement de la générosité de Jean V pour sa construction.

Ces derniers devinrent ainsi les propriétaires de la chapelle jusqu'à la Révolution. A cette époque, le père Feillet, chef de la communauté, annonça, le 17 août 1789, " qu'il renonçait à tous les privilèges pécuniaires dont le monastère avait joui jusqu'alors " et ajouta qu'il voulait participer aux frais concernant le bien de la ville.

Le 18e siècle est un moment critique pour les couvents, surtout en ces temps de révolution où les religieux désertent ces lieux. Celui des Jacobins à Dinan n'échappe pas à la situation : en 1791, il ne reste plus que sept dominicains au couvent, lesquels cessent leurs fonctions deux ans plus tard, en octobre 1793.

Lors de l'estimation du couvent des Jacobins le 18 pluviôse an VI, la chapelle de 30 pieds de longueur et 18 pieds de largeur fut adjugée ainsi avec le reste du couvent, le 24 ventôse an VI (12 mars 1798), pour 1 300 000 livres en assignats (soit 25 829 francs en numéraire ou 30 101 francs avec les frais) par l'accusateur public Besné, en faveur de deux négociants dinannais Charles Néel et son cousin Yves Dutertre (20).

Durant la période révolutionnaire, la chapelle Saint-Sébastien et les autres bâtiments constituant le couvent servirent de club, d'hôpital militaire mais aussi d'ateller de salpêtre. Ils occupèrent ces diverses fonctions avant l'acquisition définitive de l'ensemble. Malgré quelques contestations sur la validité de la vente, Charles Néel devint l'unique propriétaire. Celui-ci décide, néanmoins, de revendre la chapelle Saint-Sébastien vingt-cinq ans plus tard, le 4 janvier 1823, à Joseph Bazin, son cousin, veuf de Toussainte Dutertre. La chapelle va, alors, être séparée du domaine des Jacobins pour être rattachée à l'actuel Hôtel Bazin de Jessey.

La chapelle va connaître, à partir de ce moment-là et jusqu'au début du 20e siècle, plusieurs destinations tout en restant la propriété des enfants et héritiers des époux Bazin-Dutertre, à savoir la famille Bazin de Jessey.

En 1848, elle accueille les bureaux de la Recette particulière mais elle est cambriolée une nuit, en plein hiver, la même aimée (25). Elle sera également transformée en habitation et dotée d'un étage et d'une fenêtre sur le côté sud. C'est du moins ainsi qu'elle sera vendue à la Ville de Dinan.

Effectivement, dès 1929, date à laquelle Michel Geistdoërfer devient maire de Dinan, une mention relative à la vente de la chapelle apparaît. Mais, en fait, deux dates distinctes accordent cette vente.

Me François Prual nous apprend que la municipalité dinannaise aurait acquis la chapelle Saint-Sébastien en même temps que l'Hôtel Bazin de Jessey, le 12 janvier 1929, avec la désignation : " Un hôtel principal dont le sous-sol sert d'écurie, un ancien bâtiment connu sous le nom d'ancienne chapelle des Jacobins, un jardin nord entre l'Hôtel et la rue Saint-Sauveur et une remise à l'Ouest donnant sur la cour d'entrée, droit de passage pour accéder Place Saint-Sauveur. ".

Selon Me François Aubry et un acte de Me Salmon, notaire à Dinan, du 14 novembre 1930, la famille Bazin de Jessey aurait vendu la chapelle à cette date. Cet acte donnerait les informations suivantes : " Ancien bâtiment connu sous le nom d'ancienne chapelle des Jacobins, au midi de l'Hôtel, dont il est séparé par un petit vide intérieur, composé d'un sous-sol, d'un rez-de-chaussée et d'un grenier, avec petite cour devant vers l'ouest. ".

Cette seconde proposition apparaît comme étant la plus plausible, voire une certitude. Un rédacteur du journal Dinan-Républicain du 2 octobre 1930 nous signale, d'ailleurs, la décision positive de la Ville en ce qui concerne l'achat de la chapelle et de l'Hôtel Bazin de Jessey (28). La Ville de Dinan devient alors propriétaire de la chapelle Saint-Sébastien au début des années 1930 et ne lui attribuera, jusqu'à aujourd'hui, que deux affectations.

La renaissance de la chapelle Saint-Sébastien

De 1929 à 1940, les initiatives prises par le maire Michel Gelstdoërfer en faveur du patrimoine architectural sont nombreuses. Après l'achat de la chapelle des Jacobins au tout début de son premier mandat (il sera réélu en 1935), il aspire à la mise en valeur de celle-ci en lit restaurarit, dans un premier temps, puis en la réhabilitant dans un deuxième temps.

Lorsque la Ville de Dinan voulut acquérir l'Hôtel Bazin de Jossey, " un petit immeuble assez informe " " qui servait de maison pour le concierge " lui était presque accolé et faisait partie de l'ensemble à vendre. Personne, à cette époque-là, ne se préoccupait de la ou des anciennes fonctions attribuées à ce bâtiment.

Toutefois, Michel Geistdoërfer, en le visitant, constata la présence de deux étages (un rez-de-chaussée et un grenier) et d'une cave au soussol. Quand il atteint les combles, il s'aperçut que le plafond formait une sorte de voûte boisée ; il conclut à une ancienne chapelle. Il descendit également à la cave et trouva une vieille cheminée de pierre, assez haute, qui remit en question son idée de chapelle.

Néanmoins, convaincu de sa découverte, son premier travail consista à établir un projet de dégagement de ce monument, afin de mettre en évidence cette ancienne chapelle.

Même si, bien souvent, la nouvelle utilisation ne ressemble en rien à la fonction originelle, l'intérêt est de préserver cet espace, témoin de notre passé, et de l'adapter à son temps.

C'est ainsi que naît, en 1934, l'idée d'une " Maison du Peuple ". L'intention de Michel Geistdoërfer est d'offrir à cette chapelle une destination nouvelle, à savoir populaire.

En 1936, l'affectation initiale prévue pour la chapelle ne semble plus à l'ordre du jour. Elle n'abritera pas la " Maison du Peuple ", souhaitée quelque temps auparavant. Les circonstances de cet événement ne sont pas connues ; toutefois, dans le registre des délibérations du conseil municipal à la séance du 8 février 1936, sa nouvelle destination est révélée : la chapelle des Jacobins abritera, désormais, la Chambre de Métiers. Deux ans plus tard, en 1938, elle prendra de l'ampleur en occupant également les locaux de l'Hôtel Kératry, situé en face de la chapelle, actuel Office de tourisme.

L'histoire de la chapelle Saint-Sébastien se poursuit, néanmoins, au-delà des mandats de Micliel Geistdoërfer. Dans l'après-guerre, elle va, à nouveau, prendre un bain de jouvence et connaître une troisième affectation (depuis sa renaissance des années 1930). En effet, dans les années 1960, sous les mandats des maires André Aubert et Yves Blanchot, un nouveau théâtre est construit et inauguré. Elle servira, dorénavant, de vestibule à celui-ci ; elle ne portera pas son nom originel, mais celui de l'ensemble dans lequel elle est englobée : le Théâtre des Jacobins.

Soazig Grossiat.